Chapitre 30
Suite au choc créé par cette déclaration, et dès qu'Elric eut suffisamment retrouvé ses esprits, tout le monde se retrouva dans la salle du conseil pour essayer d'éclaircir cette histoire. Pervenche et Malikaï suivirent le mouvement, poussés par une curiosité intense. Le stratège faisait de toute façon plus ou moins partie du conseil, donc sa présence était probablement attendue, et avec la situation, personne ne fit attention au fait que la mercenaire n'avait rien à faire là. Ils se faufilèrent donc dans la salle pour en savoir plus. La princesse Belladone, puisque c'était son nom, se tenait debout à un bout de la table, visiblement furieuse. Maintenant qu'on le savait, ce n'était pas difficile d'identifier son port royal. Derrière elle, les membres de son groupe chuchotaient entre eux. En face d'elle, Elric n'avait pas l'air très à l'aise. En même temps, quiconque se serait trouvé sous un regard aussi furibond aurait eu tendance à vouloir courir se cacher. Les conseillers tirés du lit par le vacarme les avaient également rejoints, mais ils n'osaient visiblement pas intervenir. Pour le moment, cette furie en avait après le roi, ça voulait dire qu'ils étaient en sécurité.
Elric tenta de se donner une contenance, posa les deux mains à plat sur la table, et tenta de répondre au regard brûlant posé sur lui par un air noble et non-affecté. Il n'y parvint pas vraiment, mais au moins, la princesse ne se moqua pas de lui. Il dit, un peu maladroitement mais d'un ton qui s'espérait courtois :
- Je... je vous souhaite la bienvenue à Altea, madame...
Elle ne l'entendait pas de cette oreille, et elle l'interrompit sèchement :
- Je ne suis pas venue pour faire des courbettes et des politesses. Je suis venue pour obtenir justice.
Derrière elle, la femme blonde hocha la tête. Elric demanda, un peu confus :
- Justice ? Justice pour quoi ?
- Vous vous foutez de moi ? répliqua la princesse.
- Madame, je vous prierai de surveiller votre langage, et...
- Ne m'appelez pas « madame ». J'ai un titre, utilisez-le. Ensuite, arrêtez de faire l'imbécile. Quoique je commence à me demander si vous ne l'êtes pas vraiment.
Elric était peut-être bonne pâte (et pas tout à fait correctement réveillé, il était encore tôt, après tout), mais il était roi, et on ne parlait pas comme ça aux rois. Même quand on était une princesse aux yeux de braise en colère. Il se redressa donc de toute sa taille, secrètement satisfait de voir qu'il était plus grand qu'elle, tout de même, et répliqua :
- Ca suffit, madame. La porte de mon château est ouverte à tous ceux qui viennent y chercher... refuge ou tout autre raison, tant qu'ils n'ont aucune intention de semer le chaos. Mais je ne permets à personne de m'insulter, ou d'insulter les gens qui me sont proches. Je vous prierai donc de surveiller votre langage, et de cesser de m'agresser. Autrement, je vous demanderai de partir avec vos amis. Par ailleurs, je tiens à noter que tout le monde ou presque peut entrer dans mon château et se clamer princesse, étant donné que la dernière fois que j'ai rencontré Dame Belladone, elle et moi n'avions même pas la moitié de cet âge. Auriez-vous un moyen de justifier votre identité, bijou, couronne ou autre, ou dois-je vous jeter dehors comme un imposteur ?
Au lieu d'argumenter, son interlocutrice détacha les armes attachées au baudrier qu'elle portait sur sa veste et les jeta sur la table avec un regard de défi. Krile se raidit sous la surprise, mais n'émit aucun son. La princesse venait de poser sur la table deux haches à manche court qu'elle connaissait bien, puisqu'elles avaient entamé sa chair plus d'une fois lors du combat contre l'Ouest. L'expression d'Elric aurait pu être amusante, si la situation n'était pas aussi tendue, mais en l'occurrence, ça ne fit ricaner que les suiveurs de Belladone, puisque c'était apparemment bien elle. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits et se recomposer une expression digne d'un roi, et lui dit :
- Bien, je... vous êtes bien la princesse Belladone du royaume de l'Ouest. Alors, que puis-je faire pour vous, et quelle justice venez-vous chercher ?
Belladone prit le temps de raccrocher ses armes à leur place, avant de reprendre sa pose agacée, bras croisés, et laissa tomber :
- Par votre faute, juste après cette bataille...
Elle n'alla pas plus loin dans sa phrase. Une clameur de protestations s'éleva du groupe de conseillers d'Elric, immédiatement saluée par d'autres protestations de la part du groupe de Belladone. Un vacarme sans nom s'ensuivit, pendant lequel personne ne s'entendit plus, et Pervenche se contenta de regarder la scène avec intérêt. Elle n'avait pas particulièrement envie que Belladone se préoccupe de sa présence, pas après ce combat contre Dogmaël auquel elle avait pris part. On ne savait jamais, elle pouvait être incluse dans cette histoire de justice, et elle n'avait pas envie d'affronter une princesse armée en colère. Elle se contenta donc de rester dans son coin et d'observer ce qui se passait.
Après quelques bonnes minutes de grognements et de cris, une sorte de calme revint enfin dans la salle. Belladone intima le silence à son groupe, puis se tourna à nouveau vers Elric, qui l'invita d'un geste à reprendre la parole. Ce qu'elle fit :
- Par votre faute, disais-je, après cette bataille, mon père, le roi de l'Ouest pour ceux qui seraient encore trop lents pour faire le lien, a disparu.
- Nous le savons, interrompit Elric. Votre père n'a donné aucun signe de vie, et votre frère, le prince Wolfsbane, est monté sur le trône. Je tiens à signaler qu'il a signé avec nous un traité de paix relativement équitable, et que donc, je ne vois pas...
- Vous ne voyez pas !
L'éclat de voix provoqua un mouvement de recul général. Belladone jeta un regard noir aux alentours et daigna préciser :
- A cause de vous, mon frère est monté sur le trône. Mon frère cadet. Or, en tant qu'aînée de la famille ET seconde de son armée, comme vous avez certainement pu le constater, ce trône devait me revenir.
- Je compatis avec votre détresse, madame... princesse... répondit Elric avec un ton qu'il espérait convainquant. Mais je ne vois pas en quoi...
- C'était dans le traité qu'il a signé avec vous. En cas d'absence, l'héritier suivant hérite du trône et autres idioties sans nom.
Elric fit la grimace en entendant une princesse parler ainsi, mais il trouva plus judicieux de ne pas en faire la remarque, c'était bien trop dangereux. A la place, il demanda :
- Pourriez-vous m'expliquer le problème ? Je ne vois pas en quoi un traité...
- Votre traité a été signé par mon frère et a légitimé son ascension au trône !
- Je compatis à votre situation, mais ce n'est pas notre faute.
- C'est la vôtre, Altesse, puisque vous avez signé ce traité, et que c'est de votre autorité qu'il s'agit. Donc c'est votre faute. Vous avez mis mon frère cadet sur le trône qui me revenait de droit par droit d'aînesse, et par mes actes de guerre.
- De guerre contre nous, ne put s'empêcher de glisser Eckhart.
Belladone lui jeta un regard qui aurait envoyé le plus terrible des guerriers pleurer et se cacher sous les jupes de sa maman. L'immense conseiller regarda ses pieds comme un enfant pris en faute et n'émit plus le moindre mot. Elle retourna alors son attention vers Elric :
- Mes actes de guerre n'ont pas eu lieu qu'envers votre armée, ne vous prenez donc pas pour le centre du monde. Quoiqu'il en soit, à cause de vous, j'ai perdu mon trône. Et j'attends que vous répariez.
Exclamations de surprise de la part des conseillers, puis un nouveau concert de protestations. Une voix osa même affirmer que la princesse était folle, mais son auteur n'osa pas assumer sa déclaration, et le nouveau regard noir de Belladone fut général. Elle précisa le fond de sa pensée :
- Par votre faute, j'ai perdu le trône qui me revenait, et il est entre les mains de mon incapable de frère qui est à peine capable de s'habiller tout seul le matin. Il va transformer ce royaume, mon royaume, qui se relève à peine d'une guerre, en une terre désolée...
- Je vous arrête, princesse. Je comprends votre colère, mais il serait hypocrite de nous faire supporter toute la responsabilité de cette situation. Ce n'est pas notre faute que votre père ait décidé de nous déclarer la guerre. Nous l'avons combattu alors qu'il nous avait envahi, et nous nous sommes défendus. Nous avons gagné pour protéger nos terres, ce que vous auriez fait dans la même situation. Ce n'est pas notre faute si votre père a ensuite disparu, ainsi que vous. Nous devions faire signer ce traité pour assurer la paix, et la reconstruction de notre pays, et du vôtre également. Ce traité était honnête, et vous n'avez pas vraiment été spoliés. Alors si votre frère en a profité pour monter sur le trône parce qu'il n'y avait personne d'autre pour accomplir cette tâche, et qu'il est totalement incapable de le faire, c'est bien triste, mais ce n'est pas notre faute !
Belladone frappa la table du poing, faisant sursauter toutes les personnes dans la salle, et répliqua :
- Bien sûr, que c'est votre faute ! Il y a quatre ans, quand notre pays a connu une famine sans précédent, votre père n'a pas levé le petit doigt. Il avait amplement assez de réserves pour tout le monde, et il a refuser d'en utiliser une partie pour nous venir en aide ! Tout ce qu'il a fait, c'est regarder notre pays lentement mourir de faim, en se disant que peut-être, ça allait nous affaiblir suffisamment, et qu'il n'aurait pas à faire grand effort pour nous conquérir !
- Madame ! Intervint Myrrdin. Vous ne pouvez pas ainsi accuser feu son Altesse Efrim d'avoir d'aussi mauvaises intentions ! Il vous faut comprendre que beaucoup de facteurs entrent en jeu, et qu'il aurait été difficile, pour ne pas dire impossible pour notre économie de vous venir en aide ainsi...
Belladone se tourna vers le vieux conseiller et asséna d'un ton sans réplique :
- Votre ex-roi n'a pas refusé de nous donner ses réserves. J'aurais compris, dans ce cas, je ne suis pas une idiote. Il a refusé de les vendre. Mon père lui a offert des sommes plus qu'intéressantes, de quoi remplir ses caisses, mais il a refusé quand même. Il a préféré regarder notre peuple souffrir. Comme si nous étions des insectes qu'il appréciait d'observer. Alors ne venez pas me dire que votre pauvre Efrim était un ange descendu du ciel, et mon père un tueur sans scrupules.
- Je comprends votre rage, intervint Elric, et... vos raisons également, mais... Votre père a-t-il envahi nos terres à des fins de vengeance ?
- Vous êtes idiot, ou quoi ?
Elric se contenta de répondre par un regard d'avertissement qui n'eut aucun effet, et attendit les explications que Belladone ne manquerait pas de lui donner. Ce qu'elle fit après quelques instants :
- Vous pensez vraiment que les effets d'une famine disparaissent, comme ça, en une nuit ? (elle ponctua sa phrase d'un claquement de doigts) Bien sûr que non. Notre pays ne s'en est pas relevé. La vie est difficile, et tout ça, c'est la faute de votre pays. C'est tout à fait logique que mon père ait eu des envies de vengeance, et qu'il ait fini par décider de vous envahir.
Elric la regarda un moment, tentant peut-être de la faire plier, sans aucun résultat. Il s'accorda alors un instant de réflexion, avant d'annoncer :
- Je dois réfléchir à cette histoire. Et avant que vous me traitez d'idiot, vous avez débarqué chez moi pour parler de beaucoup de choses auxquelles je dois penser, à moins que vous ne souhaitiez que je prenne une décision trop vite et qu'elle ne vous convienne absolument pas. Je vais donc en parler avec mes conseillers. Il va de soi que vous et votre... suite êtes mes invités, et que je serai heureux de vous offrir l'hospitalité le temps de résoudre ce problème.
Belladone lui adressa un minuscule hochement de tête faisant office d'assentiment et de salutation, puis sortit de la salle d'un pas déterminé et quelque peu agacé. Le reste du groupe suivit le mouvement : d'abord les deux musiciens, puis la femme blonde et celle avec le béret, et enfin le mage en cape brillante et le noble qui avait l'air particulièrement énervé, ou juste empaillé, on ne savait pas trop. Elric soupira, passa la main dans ses cheveux déjà bien décoiffés. Qu'est-ce qui lui tombait encore dessus ? Déjà qu'il était allergique aux princesses, voilà qu'il avait en plus une princesse vengeresse sur le dos ! Et une princesse vengeresse qui était tout à fait capable de le passer par les armes s'il n'abondait pas dans son sens. Il regarda ses conseillers, qui avaient l'air aussi perplexes et dépassés que lui. C'est alors qu'il se rendit compte que Pervenche était dans la pièce avec eux depuis le début, et qu'elle n'avait strictement rien à faire là. Avant qu'il ait le temps de se passer les nerfs sur elle, elle le salua d'un geste moqueur et s'esquiva aussi vite que possible, le laissant discuter de ces histoires de princesse et de justice.
La plupart des membres du groupe de mercenaires étaient restés à Altea ou y étaient revenus depuis le temps, et Pervenche savait encore où pouvoir en trouver plus d'un. Elle commença par le temple de Luciola, qui était le plus près du château. Même en ces périodes de mauvais temps, il y avait toujours foule. Prêtres qui s'agitaient partout, croyants qui venaient prier, jeunes mariés demandant un rituel, … Elle dut se frayer un chemin dans la foule, et il lui fallut un bon moment avant de trouver Lucillien. Elle attendit qu'il eut fini de parler avec un jeune couple qui voulait probablement que leur union toute récente soit bénie par un prêtre de la lumière, puis l'aborda avec une grande claque virile dans le dos, manquant l'envoyer s'étaler sur les dalles, et claironna :
- Alors, comment va la vie religieuse ?
Le moine se massa l'épaule et sourit devant ses manières.
- Ca va, répondit-il. Rien de nouveau. Ca me plaît bien, et tout le monde est gentil avec moi.
- Ca doit te plaire, alors, de ne pas avoir des maîtres d'armes se moquer de toi. Mais j'ai des trucs à te raconter, c'est assez croustillant...
Une demi-heure plus tard, elle prit la direction du temple de Menda, situé plus près des remparts. L'ambiance n'était pas la même, il y avait des blessés un peu partout, et des soigneurs qui couraient de l'un à l'autre. Ce n'était pas difficile de trouver Sigrid, il suffisait de chercher dans quelle direction allaient les blessés les plus graves et, pensa Pervenche de manière un peu macabre, les plus importantes traces de sang. La scène avait quelque chose de fascinant et de magique, dans le sens onirique du terme, puisqu'il était bien clair que Sigrid était une mage blanche accomplie. Elle agitait son bâton en courbes gracieuses, les patients se retrouvaient baignés d'une belle lueur bleue, et les plaies se refermaient sans effort apparent. Puis on les entraînait hors de la salle, on en amenait d'autres, et elle recommençait. Pervenche se glissa jusqu'à la soigneuse entre deux fournées, et lui expliqua la situation en quelques mots. Rendez-vous fut pris pour le soir, et la mercenaire s'éclipsa, laissant son amie à ses soins.
Ewan n'était pas difficile à trouver, il n'y avait pas nombre d'endroits où il pouvait trouver suffisamment de livres dans lesquels se plonger. En quelques mois, il avait déjà épuisé la bibliothèque du château et au moins une de celles qu'on pouvait trouver en ville. Récemment, le mot qu'il avait été l'élève d'un mage général très puissant avait fait le tour de la ville, et on lui avait ouvert les portes de la guilde de magie locale avec empressement. Depuis, on n'avait plus entendu parler de lui. Pervenche se demandait s'il ne s'était pas construit un abri entre deux étagères et ne survivait pas uniquement de livres.
Elle le trouva dans une salle de lecture qui ressemblait beaucoup à un puits : toute circulaire, tapissée de rangées d'ouvrages reliés de cuir sur toute sa hauteur, et éclairée par une lucarne. Ewan était concentré sur les notes qu'il était en train de prendre dans son inséparable grimoire, et ne leva pas la tête quand la porte s'ouvrit. Il fallut que Pervenche vienne s'asseoir sur son livre pour qu'il fasse attention à elle. Il la salua comme si c'était normal qu'une mercenaire vienne s'installer sur sa table, et demanda :
- Que puis-je pour toi ?
- Est-ce que tu serais intéressé par une histoire de princesse venant demander vengeance pour la disparition de Dogmaël auprès d'Elric ?
- Ca se pourrait...
Au lieu de lui raconter, elle l'invita à venir en discuter davantage ce soir, et elle prévint que s'il ne sortait pas de sa tanière, elle viendrait le chercher à coups de pied aux fesses, ou mieux, elle lui enverrait Sigrid ou Killian, selon ce qui traînerait. Il promit qu'il ferait un effort, s'il ne tombait pas sur les secrets de l'univers dans l'un des grimoires. Satisfaite devant sa tentative de blague, Pervenche le laissa travailler tout son soûl. Elle n'avait pas franchi la porte, qu'il était déjà plongé dans ses notes, comme si le reste du monde n'existait plus.
Restait à mettre la main sur Gillan. Ce qui n'était pas vraiment difficile, puisque l'épéiste n'avait pas quitté le château. D'abord, il avait fallu que ses blessures guérissent, et il avait fallut beaucoup de temps. Ensuite, elle avait entrepris de s'entraîner avec Krile. Elle devait donc être au courant de l'arrivée de Belladone et de sa bande de bras cassés. Quant à Killian... pour une raison étrange venant d'un homme qui passait son temps à râler et grogner tout en prétendant qu'il n'en avait strictement rien à faire des autres et qu'il n'avait pas besoin d'un groupe, il restait étrangement dans le coin d'Altea. Plusieurs fois, il avait quitté la ville, pour de bon, pensait-on, et à chaque fois, il revenait. Quand on lui demandait pourquoi, il évitait de répondre, en s'en allant la plupart du temps. Gillan le préviendrait probablement, ou quelqu'un d'autre, ou même un petit oiseau, Pervenche s'en fichait. Mais quelque chose lui disait qu'il serait dans le coin.
Elle quitta le château à la nuit tombée, après une journée satisfaisante à parler avec Ronnan, le musicien au visage tatoué – si on pouvait appeler ça parler puisqu'il ne répondait pas -, ainsi qu'avec l'individu qui était toujours avec lui, et qui était son demi-frère Delnan. Les deux avaient fait quelques difficultés pour parler à quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas (du moins dans le cas du second), et elle n'avait rien appris pour le moment, mais elle comptait bien ne pas baisser les bras. Il convenait d'en savoir le plus possible sur cette drôle de princesse armée et ses intentions. Surtout si on prenait en compte que c'était quand même son groupe qui était en partie responsable de la défaite de l'Ouest... En arrivant à l'auberge, elle trouva ses amis installés autour d'une table, en train de discuter entre eux en buvant ce qui semblait être du vin chaud. Comme elle s'y attendait, Killian était là, prévenu elle ne savait trop comment. Comme à son habitude, il affichait une expression fermée, et gardait les bras croisés, comme si on l'avait traîné de force. En revanche, Gillan n'était pas en train de s'en préoccuper, elle discutait avec Sigrid de manière animée, et Lucillien rajoutait de temps en temps son grain de sel. Ewan se contentait d'écouter, pour une fois sans plonger le nez dans son livre de compagnie, mais celui-ci était posé contre sa chaise, prêt à servir si jamais il était gêné. Elle sourit en les regardant, mais les voir ainsi mettait en évidence le fait que Meven et Hélios n'étaient pas là. Personne n'avait la moindre d'idée d'où étaient partis l'assassin et le cavalier, mais leur absence faisait comme un vide, surtout pour Pervenche. Après tout, c'était tout de même avec eux qu'elle avait commencé cette drôle d'aventure, ça faisait bizarre qu'ils ne soient plus là, et elle espérait qu'ils s'en tiraient bien. Néanmoins, ce n'était pas le moment de plomber l'ambiance avec des histoires tristes, elle avait bien plus intéressant à raconter. Elle s'installa donc à la table, se servit d'autorité un bon verre de vin, et entreprit de raconter tout ce qu'elle avait entendu.
Elric tenta de se donner une contenance, posa les deux mains à plat sur la table, et tenta de répondre au regard brûlant posé sur lui par un air noble et non-affecté. Il n'y parvint pas vraiment, mais au moins, la princesse ne se moqua pas de lui. Il dit, un peu maladroitement mais d'un ton qui s'espérait courtois :
- Je... je vous souhaite la bienvenue à Altea, madame...
Elle ne l'entendait pas de cette oreille, et elle l'interrompit sèchement :
- Je ne suis pas venue pour faire des courbettes et des politesses. Je suis venue pour obtenir justice.
Derrière elle, la femme blonde hocha la tête. Elric demanda, un peu confus :
- Justice ? Justice pour quoi ?
- Vous vous foutez de moi ? répliqua la princesse.
- Madame, je vous prierai de surveiller votre langage, et...
- Ne m'appelez pas « madame ». J'ai un titre, utilisez-le. Ensuite, arrêtez de faire l'imbécile. Quoique je commence à me demander si vous ne l'êtes pas vraiment.
Elric était peut-être bonne pâte (et pas tout à fait correctement réveillé, il était encore tôt, après tout), mais il était roi, et on ne parlait pas comme ça aux rois. Même quand on était une princesse aux yeux de braise en colère. Il se redressa donc de toute sa taille, secrètement satisfait de voir qu'il était plus grand qu'elle, tout de même, et répliqua :
- Ca suffit, madame. La porte de mon château est ouverte à tous ceux qui viennent y chercher... refuge ou tout autre raison, tant qu'ils n'ont aucune intention de semer le chaos. Mais je ne permets à personne de m'insulter, ou d'insulter les gens qui me sont proches. Je vous prierai donc de surveiller votre langage, et de cesser de m'agresser. Autrement, je vous demanderai de partir avec vos amis. Par ailleurs, je tiens à noter que tout le monde ou presque peut entrer dans mon château et se clamer princesse, étant donné que la dernière fois que j'ai rencontré Dame Belladone, elle et moi n'avions même pas la moitié de cet âge. Auriez-vous un moyen de justifier votre identité, bijou, couronne ou autre, ou dois-je vous jeter dehors comme un imposteur ?
Au lieu d'argumenter, son interlocutrice détacha les armes attachées au baudrier qu'elle portait sur sa veste et les jeta sur la table avec un regard de défi. Krile se raidit sous la surprise, mais n'émit aucun son. La princesse venait de poser sur la table deux haches à manche court qu'elle connaissait bien, puisqu'elles avaient entamé sa chair plus d'une fois lors du combat contre l'Ouest. L'expression d'Elric aurait pu être amusante, si la situation n'était pas aussi tendue, mais en l'occurrence, ça ne fit ricaner que les suiveurs de Belladone, puisque c'était apparemment bien elle. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits et se recomposer une expression digne d'un roi, et lui dit :
- Bien, je... vous êtes bien la princesse Belladone du royaume de l'Ouest. Alors, que puis-je faire pour vous, et quelle justice venez-vous chercher ?
Belladone prit le temps de raccrocher ses armes à leur place, avant de reprendre sa pose agacée, bras croisés, et laissa tomber :
- Par votre faute, juste après cette bataille...
Elle n'alla pas plus loin dans sa phrase. Une clameur de protestations s'éleva du groupe de conseillers d'Elric, immédiatement saluée par d'autres protestations de la part du groupe de Belladone. Un vacarme sans nom s'ensuivit, pendant lequel personne ne s'entendit plus, et Pervenche se contenta de regarder la scène avec intérêt. Elle n'avait pas particulièrement envie que Belladone se préoccupe de sa présence, pas après ce combat contre Dogmaël auquel elle avait pris part. On ne savait jamais, elle pouvait être incluse dans cette histoire de justice, et elle n'avait pas envie d'affronter une princesse armée en colère. Elle se contenta donc de rester dans son coin et d'observer ce qui se passait.
Après quelques bonnes minutes de grognements et de cris, une sorte de calme revint enfin dans la salle. Belladone intima le silence à son groupe, puis se tourna à nouveau vers Elric, qui l'invita d'un geste à reprendre la parole. Ce qu'elle fit :
- Par votre faute, disais-je, après cette bataille, mon père, le roi de l'Ouest pour ceux qui seraient encore trop lents pour faire le lien, a disparu.
- Nous le savons, interrompit Elric. Votre père n'a donné aucun signe de vie, et votre frère, le prince Wolfsbane, est monté sur le trône. Je tiens à signaler qu'il a signé avec nous un traité de paix relativement équitable, et que donc, je ne vois pas...
- Vous ne voyez pas !
L'éclat de voix provoqua un mouvement de recul général. Belladone jeta un regard noir aux alentours et daigna préciser :
- A cause de vous, mon frère est monté sur le trône. Mon frère cadet. Or, en tant qu'aînée de la famille ET seconde de son armée, comme vous avez certainement pu le constater, ce trône devait me revenir.
- Je compatis avec votre détresse, madame... princesse... répondit Elric avec un ton qu'il espérait convainquant. Mais je ne vois pas en quoi...
- C'était dans le traité qu'il a signé avec vous. En cas d'absence, l'héritier suivant hérite du trône et autres idioties sans nom.
Elric fit la grimace en entendant une princesse parler ainsi, mais il trouva plus judicieux de ne pas en faire la remarque, c'était bien trop dangereux. A la place, il demanda :
- Pourriez-vous m'expliquer le problème ? Je ne vois pas en quoi un traité...
- Votre traité a été signé par mon frère et a légitimé son ascension au trône !
- Je compatis à votre situation, mais ce n'est pas notre faute.
- C'est la vôtre, Altesse, puisque vous avez signé ce traité, et que c'est de votre autorité qu'il s'agit. Donc c'est votre faute. Vous avez mis mon frère cadet sur le trône qui me revenait de droit par droit d'aînesse, et par mes actes de guerre.
- De guerre contre nous, ne put s'empêcher de glisser Eckhart.
Belladone lui jeta un regard qui aurait envoyé le plus terrible des guerriers pleurer et se cacher sous les jupes de sa maman. L'immense conseiller regarda ses pieds comme un enfant pris en faute et n'émit plus le moindre mot. Elle retourna alors son attention vers Elric :
- Mes actes de guerre n'ont pas eu lieu qu'envers votre armée, ne vous prenez donc pas pour le centre du monde. Quoiqu'il en soit, à cause de vous, j'ai perdu mon trône. Et j'attends que vous répariez.
Exclamations de surprise de la part des conseillers, puis un nouveau concert de protestations. Une voix osa même affirmer que la princesse était folle, mais son auteur n'osa pas assumer sa déclaration, et le nouveau regard noir de Belladone fut général. Elle précisa le fond de sa pensée :
- Par votre faute, j'ai perdu le trône qui me revenait, et il est entre les mains de mon incapable de frère qui est à peine capable de s'habiller tout seul le matin. Il va transformer ce royaume, mon royaume, qui se relève à peine d'une guerre, en une terre désolée...
- Je vous arrête, princesse. Je comprends votre colère, mais il serait hypocrite de nous faire supporter toute la responsabilité de cette situation. Ce n'est pas notre faute que votre père ait décidé de nous déclarer la guerre. Nous l'avons combattu alors qu'il nous avait envahi, et nous nous sommes défendus. Nous avons gagné pour protéger nos terres, ce que vous auriez fait dans la même situation. Ce n'est pas notre faute si votre père a ensuite disparu, ainsi que vous. Nous devions faire signer ce traité pour assurer la paix, et la reconstruction de notre pays, et du vôtre également. Ce traité était honnête, et vous n'avez pas vraiment été spoliés. Alors si votre frère en a profité pour monter sur le trône parce qu'il n'y avait personne d'autre pour accomplir cette tâche, et qu'il est totalement incapable de le faire, c'est bien triste, mais ce n'est pas notre faute !
Belladone frappa la table du poing, faisant sursauter toutes les personnes dans la salle, et répliqua :
- Bien sûr, que c'est votre faute ! Il y a quatre ans, quand notre pays a connu une famine sans précédent, votre père n'a pas levé le petit doigt. Il avait amplement assez de réserves pour tout le monde, et il a refuser d'en utiliser une partie pour nous venir en aide ! Tout ce qu'il a fait, c'est regarder notre pays lentement mourir de faim, en se disant que peut-être, ça allait nous affaiblir suffisamment, et qu'il n'aurait pas à faire grand effort pour nous conquérir !
- Madame ! Intervint Myrrdin. Vous ne pouvez pas ainsi accuser feu son Altesse Efrim d'avoir d'aussi mauvaises intentions ! Il vous faut comprendre que beaucoup de facteurs entrent en jeu, et qu'il aurait été difficile, pour ne pas dire impossible pour notre économie de vous venir en aide ainsi...
Belladone se tourna vers le vieux conseiller et asséna d'un ton sans réplique :
- Votre ex-roi n'a pas refusé de nous donner ses réserves. J'aurais compris, dans ce cas, je ne suis pas une idiote. Il a refusé de les vendre. Mon père lui a offert des sommes plus qu'intéressantes, de quoi remplir ses caisses, mais il a refusé quand même. Il a préféré regarder notre peuple souffrir. Comme si nous étions des insectes qu'il appréciait d'observer. Alors ne venez pas me dire que votre pauvre Efrim était un ange descendu du ciel, et mon père un tueur sans scrupules.
- Je comprends votre rage, intervint Elric, et... vos raisons également, mais... Votre père a-t-il envahi nos terres à des fins de vengeance ?
- Vous êtes idiot, ou quoi ?
Elric se contenta de répondre par un regard d'avertissement qui n'eut aucun effet, et attendit les explications que Belladone ne manquerait pas de lui donner. Ce qu'elle fit après quelques instants :
- Vous pensez vraiment que les effets d'une famine disparaissent, comme ça, en une nuit ? (elle ponctua sa phrase d'un claquement de doigts) Bien sûr que non. Notre pays ne s'en est pas relevé. La vie est difficile, et tout ça, c'est la faute de votre pays. C'est tout à fait logique que mon père ait eu des envies de vengeance, et qu'il ait fini par décider de vous envahir.
Elric la regarda un moment, tentant peut-être de la faire plier, sans aucun résultat. Il s'accorda alors un instant de réflexion, avant d'annoncer :
- Je dois réfléchir à cette histoire. Et avant que vous me traitez d'idiot, vous avez débarqué chez moi pour parler de beaucoup de choses auxquelles je dois penser, à moins que vous ne souhaitiez que je prenne une décision trop vite et qu'elle ne vous convienne absolument pas. Je vais donc en parler avec mes conseillers. Il va de soi que vous et votre... suite êtes mes invités, et que je serai heureux de vous offrir l'hospitalité le temps de résoudre ce problème.
Belladone lui adressa un minuscule hochement de tête faisant office d'assentiment et de salutation, puis sortit de la salle d'un pas déterminé et quelque peu agacé. Le reste du groupe suivit le mouvement : d'abord les deux musiciens, puis la femme blonde et celle avec le béret, et enfin le mage en cape brillante et le noble qui avait l'air particulièrement énervé, ou juste empaillé, on ne savait pas trop. Elric soupira, passa la main dans ses cheveux déjà bien décoiffés. Qu'est-ce qui lui tombait encore dessus ? Déjà qu'il était allergique aux princesses, voilà qu'il avait en plus une princesse vengeresse sur le dos ! Et une princesse vengeresse qui était tout à fait capable de le passer par les armes s'il n'abondait pas dans son sens. Il regarda ses conseillers, qui avaient l'air aussi perplexes et dépassés que lui. C'est alors qu'il se rendit compte que Pervenche était dans la pièce avec eux depuis le début, et qu'elle n'avait strictement rien à faire là. Avant qu'il ait le temps de se passer les nerfs sur elle, elle le salua d'un geste moqueur et s'esquiva aussi vite que possible, le laissant discuter de ces histoires de princesse et de justice.
La plupart des membres du groupe de mercenaires étaient restés à Altea ou y étaient revenus depuis le temps, et Pervenche savait encore où pouvoir en trouver plus d'un. Elle commença par le temple de Luciola, qui était le plus près du château. Même en ces périodes de mauvais temps, il y avait toujours foule. Prêtres qui s'agitaient partout, croyants qui venaient prier, jeunes mariés demandant un rituel, … Elle dut se frayer un chemin dans la foule, et il lui fallut un bon moment avant de trouver Lucillien. Elle attendit qu'il eut fini de parler avec un jeune couple qui voulait probablement que leur union toute récente soit bénie par un prêtre de la lumière, puis l'aborda avec une grande claque virile dans le dos, manquant l'envoyer s'étaler sur les dalles, et claironna :
- Alors, comment va la vie religieuse ?
Le moine se massa l'épaule et sourit devant ses manières.
- Ca va, répondit-il. Rien de nouveau. Ca me plaît bien, et tout le monde est gentil avec moi.
- Ca doit te plaire, alors, de ne pas avoir des maîtres d'armes se moquer de toi. Mais j'ai des trucs à te raconter, c'est assez croustillant...
Une demi-heure plus tard, elle prit la direction du temple de Menda, situé plus près des remparts. L'ambiance n'était pas la même, il y avait des blessés un peu partout, et des soigneurs qui couraient de l'un à l'autre. Ce n'était pas difficile de trouver Sigrid, il suffisait de chercher dans quelle direction allaient les blessés les plus graves et, pensa Pervenche de manière un peu macabre, les plus importantes traces de sang. La scène avait quelque chose de fascinant et de magique, dans le sens onirique du terme, puisqu'il était bien clair que Sigrid était une mage blanche accomplie. Elle agitait son bâton en courbes gracieuses, les patients se retrouvaient baignés d'une belle lueur bleue, et les plaies se refermaient sans effort apparent. Puis on les entraînait hors de la salle, on en amenait d'autres, et elle recommençait. Pervenche se glissa jusqu'à la soigneuse entre deux fournées, et lui expliqua la situation en quelques mots. Rendez-vous fut pris pour le soir, et la mercenaire s'éclipsa, laissant son amie à ses soins.
Ewan n'était pas difficile à trouver, il n'y avait pas nombre d'endroits où il pouvait trouver suffisamment de livres dans lesquels se plonger. En quelques mois, il avait déjà épuisé la bibliothèque du château et au moins une de celles qu'on pouvait trouver en ville. Récemment, le mot qu'il avait été l'élève d'un mage général très puissant avait fait le tour de la ville, et on lui avait ouvert les portes de la guilde de magie locale avec empressement. Depuis, on n'avait plus entendu parler de lui. Pervenche se demandait s'il ne s'était pas construit un abri entre deux étagères et ne survivait pas uniquement de livres.
Elle le trouva dans une salle de lecture qui ressemblait beaucoup à un puits : toute circulaire, tapissée de rangées d'ouvrages reliés de cuir sur toute sa hauteur, et éclairée par une lucarne. Ewan était concentré sur les notes qu'il était en train de prendre dans son inséparable grimoire, et ne leva pas la tête quand la porte s'ouvrit. Il fallut que Pervenche vienne s'asseoir sur son livre pour qu'il fasse attention à elle. Il la salua comme si c'était normal qu'une mercenaire vienne s'installer sur sa table, et demanda :
- Que puis-je pour toi ?
- Est-ce que tu serais intéressé par une histoire de princesse venant demander vengeance pour la disparition de Dogmaël auprès d'Elric ?
- Ca se pourrait...
Au lieu de lui raconter, elle l'invita à venir en discuter davantage ce soir, et elle prévint que s'il ne sortait pas de sa tanière, elle viendrait le chercher à coups de pied aux fesses, ou mieux, elle lui enverrait Sigrid ou Killian, selon ce qui traînerait. Il promit qu'il ferait un effort, s'il ne tombait pas sur les secrets de l'univers dans l'un des grimoires. Satisfaite devant sa tentative de blague, Pervenche le laissa travailler tout son soûl. Elle n'avait pas franchi la porte, qu'il était déjà plongé dans ses notes, comme si le reste du monde n'existait plus.
Restait à mettre la main sur Gillan. Ce qui n'était pas vraiment difficile, puisque l'épéiste n'avait pas quitté le château. D'abord, il avait fallu que ses blessures guérissent, et il avait fallut beaucoup de temps. Ensuite, elle avait entrepris de s'entraîner avec Krile. Elle devait donc être au courant de l'arrivée de Belladone et de sa bande de bras cassés. Quant à Killian... pour une raison étrange venant d'un homme qui passait son temps à râler et grogner tout en prétendant qu'il n'en avait strictement rien à faire des autres et qu'il n'avait pas besoin d'un groupe, il restait étrangement dans le coin d'Altea. Plusieurs fois, il avait quitté la ville, pour de bon, pensait-on, et à chaque fois, il revenait. Quand on lui demandait pourquoi, il évitait de répondre, en s'en allant la plupart du temps. Gillan le préviendrait probablement, ou quelqu'un d'autre, ou même un petit oiseau, Pervenche s'en fichait. Mais quelque chose lui disait qu'il serait dans le coin.
Elle quitta le château à la nuit tombée, après une journée satisfaisante à parler avec Ronnan, le musicien au visage tatoué – si on pouvait appeler ça parler puisqu'il ne répondait pas -, ainsi qu'avec l'individu qui était toujours avec lui, et qui était son demi-frère Delnan. Les deux avaient fait quelques difficultés pour parler à quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas (du moins dans le cas du second), et elle n'avait rien appris pour le moment, mais elle comptait bien ne pas baisser les bras. Il convenait d'en savoir le plus possible sur cette drôle de princesse armée et ses intentions. Surtout si on prenait en compte que c'était quand même son groupe qui était en partie responsable de la défaite de l'Ouest... En arrivant à l'auberge, elle trouva ses amis installés autour d'une table, en train de discuter entre eux en buvant ce qui semblait être du vin chaud. Comme elle s'y attendait, Killian était là, prévenu elle ne savait trop comment. Comme à son habitude, il affichait une expression fermée, et gardait les bras croisés, comme si on l'avait traîné de force. En revanche, Gillan n'était pas en train de s'en préoccuper, elle discutait avec Sigrid de manière animée, et Lucillien rajoutait de temps en temps son grain de sel. Ewan se contentait d'écouter, pour une fois sans plonger le nez dans son livre de compagnie, mais celui-ci était posé contre sa chaise, prêt à servir si jamais il était gêné. Elle sourit en les regardant, mais les voir ainsi mettait en évidence le fait que Meven et Hélios n'étaient pas là. Personne n'avait la moindre d'idée d'où étaient partis l'assassin et le cavalier, mais leur absence faisait comme un vide, surtout pour Pervenche. Après tout, c'était tout de même avec eux qu'elle avait commencé cette drôle d'aventure, ça faisait bizarre qu'ils ne soient plus là, et elle espérait qu'ils s'en tiraient bien. Néanmoins, ce n'était pas le moment de plomber l'ambiance avec des histoires tristes, elle avait bien plus intéressant à raconter. Elle s'installa donc à la table, se servit d'autorité un bon verre de vin, et entreprit de raconter tout ce qu'elle avait entendu.