Chapitre 34
Pervenche fut désignée volontaire pour aller annoncer à Elric et son conseil qu'elle et sa bande de mercenaires acceptaient la mission. Le roi s'en réjouit, promit que son prix serait le leur et un certain nombre de manifestations de satisfaction qu'elle ignora totalement. Elle regardait Belladone, qui affichait un petit sourire victorieux, et se jura (mais en silence) qu'elle le lui ferait ravaler d'une manière ou d'une autre. Dès que la princesse lui eut donné le peu d'informations qu'elle avait sur la possible cachette de son père, et qu'Elric la libéra, elle s'enfuit de la salle, avant de déclencher un incident diplomatique avec un geste malheureux. Mais il fallait croire qu'elle n'était pas capable de faire quelques pas dans un quelconque couloir de ce château sans être suivie par quelqu'un, et il ne lui fallut pas longtemps pour se rendre compte qu'il y avait des pas derrière elle. Elle se retourna, s'attendant à un roi avec d'autres revendications, une princesse qui voudrait de nouveau la menacer de son décolleté (à bien y réfléchir, c'était vrai que c'était bizarre), voire un conseiller avec une suggestion idiote. Au lieu de ça, elle vit Malikaï qui tentait de la rattraper, frôlant le mur des doigts pour se guider. Le stratège devait certainement savoir qu'elle s'était arrêtée, puisqu'il n'entendait plus le bruit de ses pas, mais au lieu de s'arrêter, il la percuta de plein fouet. Pervenche fut obligée d'amortir le choc pour lui éviter de lui écraser complètement la poitrine, et elle eut la surprise de sentir les bras du gamin se refermer autour de sa taille. Ils restèrent comme ça quelques secondes, puis la réalité de la situation atteignit le cerveau de Malikaï, et il lâcha la mercenaire aussi vite qu'il s'était jeté sur elle. Pervenche fit comme si elle ne remarquait pas qu'il était en train de rougir, mais à vrai dire, elle était un peu à court de mots, et le stratège n'était pas le genre avec lequel on pouvait utiliser une blague grivoise pour détendre l'atmosphère. Heureusement pour elle, il ne lui laissa pas le temps de trouver un échappatoire ou de décider de partir en courant. A tâtons, il s'empara de la main de Pervenche et murmura :
- Tu pars vraiment ?
- J'ai pas vraiment le choix, tu sais. Maintenant que j'ai donné ma parole à ton Elric, et à sa Belladone de compagnie, il faut que j'y aille. Sinon, ils se feront une joie de m'abattre.
- Ce n'est pas le genre d'Elric, objecta-t-il.
- Mais c'est le genre de la princesse. Elle n'hésitera pas à me découper en tous petits morceaux et me donner à manger à... je ne sais pas, mais ça ne sera pas agréable du tout.
- Elle n'a qu'à y aller avec son mage qui brille et les autres...
- Je sais, soupira Pervenche. J'aurais bien aimé l'y envoyer, mais elle a des arguments pour contrer tous les miens. Et puis, maintenant, j'ai réussi à décider les autres de venir, je pense qu'eux aussi m'en voudraient si je faisais marche arrière. Surtout Killian, parce qu'il me prendrait encore plus pour une trouillarde.
- Son avis t'importe tellement ?
- Il m'est égal, mais si ça se trouve, cet idiot ira chercher Dogmaël tout seul, et comme il est idiot, il finira probablement par agoniser dans un coin ou quelque chose.
- Mais tu le détestes, protesta le stratège, se débattant contre ce qui servait apparemment de logique à Pervenche.
- Un peu, mais c'est quelque chose comme mon ami, et il fait partie du groupe. J'ai pas particulièrement envie de le retrouver mort. Même si ça nous ferait du silence. En plus, on a besoin de lui.
- Parce qu'il est fort ?
- Parce qu'il est très fort. En plus, sans Meven et Hélios, on est pas vraiment de taille à affronter tous les crétins qu'on va trouver sur notre chemin, un maître d'armes, même dingue et qui aime le sang des gens, c'est un atout incroyable.
- Je n'aime quand même pas beaucoup te voir traîner avec lui...
Sans lâcher la main du stratège, Pervenche caressa les longs cheveux blancs, doucement. Malikaï sursauta, puis se détendit.
- T'en fais pas, dit-elle pour le rassurer. Je ne vais pas le laisser me faire le moindre mal.
- Je... je n'ai pas envie que tu partes.
Pervenche soupira intérieurement. Pourquoi fallait-il qu'il le dise maintenant ? Et qu'il le dise ? Et pourquoi sur ce ton qui faisait penser que le départ de la mercenaire qui squattait avec lui et lui cassait les pieds l'affectait plus qu'il n'aurait dit ? Elle n'avait pas non plus envie de partir, mais il le fallait. Elle avait pris sa décision, elle s'était endurcie... et voilà qu'il réduisait tout en miettes en quelques mots dont il n'avait peut-être même pas estimé la portée. Il fallait qu'elle mette les choses au point, et vite, avant de l'écraser dans un câlin étrangleur et de ne plus le lâcher. Elle le prit donc par les épaules, le tenant à bout de bras, et déclara :
- Je sais, mais dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Et je sais que tu sais, je ne te fais absolument pas la leçon. Belladone et Elric ont eu des arguments très convaincants pour nous décider à prendre cette mission, et on s'est engagés. On ira chercher ce Roi-Sorcier à la manque, et on le ramènera par la peau des fesses s'il le faut, mais j'espère qu'il ne le faudra pas. Et ensuite, je reviendrai à Altea.
- En une seule pièce ?
- Sans la moindre écorchure, c'est promis.
- Et tu reviendras à Altea ?
- Bien sûr, c'est promis.
Malikaï pesa un instant le pour et le contre, mais il n'avait pas vraiment le choix. Ce n'était pas comme s'il pouvait la retenir indéfiniment. Il soupira, et se décida à lâcher la main de la mercenaire. Elle lui caressa encore un peu les cheveux, repoussant le moment de le laisser. Elle se rendait bien compte qu'il était affecté, et qu'il faisait de son mieux pour cacher qu'il était sur le point de pleurer, pour ne pas lui donner mauvaise conscience ou tenter de la retenir. Elle lui en fut reconnaissante. Il fallait qu'elle s'esquive, vite, avant de changer d'avis et d'aller se cacher dans la bibliothèque, ou pire, de prendre le stratège sous le bras et de l'emmener dans son paquetage. Elric ne lui pardonnerait jamais, et s'ils auraient déjà du mal à protéger Lucillien, Malikaï signerait son arrêt de mort. Il fallait qu'elle parte. Elle le gratifia donc d'une étreinte qu'elle espérait virile et fraternelle, l'assura encore une fois qu'elle reviendrait très vite en état parfait, et le laissa planté là, s'empressant de déguerpir sans un regard en arrière.
Elle alla retrouver Ewan dans sa cachette au fin fond de la bibliothèque de la guilde. Il était à nouveau plongé dans des piles d'ouvrages qui s'entassaient tout autour de lui et menaçaient de l'ensevelir à court terme. Pervenche dégagea une chaise en posant les précieux livres dans le premier tas venu. Ewan la regarda faire, vaguement agacé, mais elle devait avoir une idée derrière la tête. Il attendit qu'elle finisse d'étayer les empilements instables et qu'elle lui dise ce qui l'amène. Une fois satisfaite de ses aménagements (en les poussant du pied pour s'assurer qu'ils tiendraient au moins jusqu'à ce qu'elle reparte), Pervenche étala sur la table du mage une grande carte du continent très détaillée, puis annonça :
- Etant donné que tu es le plus sensé du groupe, est-ce que tu peux nous établir un trajet rapide, pas trop contraignant, et nous définir des haltes ?
Ewan regarda la carte un moment, et remarqua :
- Ta carte ne couvre pas vraiment l'Ouest, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose.
- Je sais, soupira Pervenche, mais je n'ai pas pu trouver mieux. Belladone dit qu'elle n'en a pas d'autre, les deux qui sont apparemment ses frères adoptifs sont restés très vagues et un des deux ne parle pas, et même l'érudit en noir est aussi accueillant qu'un mur de briques. Tout ce qu'elle a donné, ce sont de vagues indications sur des endroits où il serait possible qu'éventuellement, il se cache mais peut-être pas.
- Ils veulent qu'on aille dans l'Ouest, mais ils ne nous donnent pas de détails ?
- Faudra qu'on se débrouille...
- Ca m'a l'air particulièrement bien parti... comme le fait qu'on doive écumer tout un pays pour trouver un Roi-Sorcier qui se cache...
- Je t'ai dit ce que je sais. Que d'après Belladone, il doit s'être planqué dans les montagnes...
- … ce qui n'aide pas puisqu'elles couvrent une bonne partie du royaume...
- Je sais. Et qu'il ne vit probablement pas dans une grotte. Sauf qu'on n'a aucune idée d'où, quand, comment, pourquoi, et que si ça se trouve, il a une forteresse souterraine qu'on ne repérera jamais. Et que les indications de Belladone sont assez hasardeuses. Je sens qu'on va s'amuser.
Ewan se mit au travail, le nez collé à la carte, calculant et mesurant en marmonnant dans sa barbe. Pervenche le regarda faire, c'était fascinant de voir quelqu'un d'intelligent au travail, surtout quand il n'en profitait pas pour étaler sa science. Pendant une bonne heure, il prit des notes, gribouilla, grogna pour faire bonne mesure, ignorant totalement la mercenaire qui dessinait des petits personnages sur ses notes avec une mine de plomb. Enfin, il reprit ses écrits et lui mit sous le nez une carte annotée de pattes de mouches illisibles. Elle tenta de lire, retenta, et le regarda, l'air d'attendre une traduction. Il lui tendit donc la liste qu'il avait constituée, légèrement plus lisible. Il avait parfaitement détaillé la route, les endroits où faire les haltes, et même les endroits qui seraient probablement les plus dangereux. Elle consulta la feuille, puis se leva, et lui dit en lui tapotant l'épaule :
- T'as bien bossé. Avec ça, on va s'en sortir.
Ewan répondit d'un simple son d'assentiment, mais il était secrètement flatté. Il demanda :
- Dans combien de temps partons-nous ?
- Juste le temps pour toi de ranger tes bouquins.
Et elle le laissa en plan au milieu de sa citadelle de livres.
Enfin, au petit matin, ils furent prêts à partir. Pervenche était plutôt fière d'elle, elle avait cette fois-ci réussi à se préparer pour une longue expédition sans que Meven lui pointe ce qui clochait dans sa réflexion. Bon, elle avait peut-être eu l'aide de Sigrid qui avait débarqué dans sa chambre d'auberge en affirmant que si Killian et elle avaient bien un point en commun, c'était d'avoir le sens pratique d'un caillou. Avec une efficacité étonnante pour quelqu'un qui était censée n'avoir jamais quitté son temple, elle dressa une liste du matériel nécessaire, puis entraîna Gillan avec elle pour se le procurer, et en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « coup de bâton de mage blanc », tout le groupe fut prêt et équipé. A la grande joie de Killian, qui trouvait qu'il y avait quand même beaucoup de féminité dans le groupe, Lucillien et Sigrid avaient troqué leurs robes trop peu pratiques pour le combat et la marche contre des vêtements plus appropriés. Le moine arborait maintenant une tunique du même gris que sa robe, qui, si elle était plus longue que la normale, ne gênerait pas ses mouvements, et il avait gardé sa cape blanche. De manière étonnante, Sigrid avait opté pour des vêtements qui ressemblaient à ceux de Killian, avec une tunique épaisse passée sur une chemise au col fermé par une écharpe de ce qui paraissait être de la soie blanche, et un pantalon tout bête. Sa veste à elle était blanche et épaisse, bordée de bleu, et comportait une capuche. Le maître d'armes fit la remarque que le vêtement ne resterait pas longtemps blanc, mais elle l'ignora avec superbe. Quant à Gillan, elle avait remplacé sa chemise dans le style de ses plaines natales par une tenue semblable à celle de Pervenche : une tunique à manches courtes portée sur une à manches longues, pantalon en toile épaisse, et une broigne de cuir qui éviterait d'ajouter quelques cicatrices à sa collection. La soigneuse vérifia encore une fois qu'ils étaient tous bien emmitouflés contre le froid qui n'allait pas les épargner, s'attirant la remarque habituelle du maître d'armes qu'il n'avait pas besoin d'une maman pour vérifier qu'il avait bien mis ses gants, merci bien. Elle l'ignora avec superbe. Pervenche donna le signal du départ, et ils prirent la direction des portes de la ville. Ils bavardaient entre eux et taquinaient Ewan, mais Pervenche n'avait pas le cœur à se mêler à eux. Elle ressentait un drôle de tiraillement dans la poitrine, le même qu'elle avait ressenti en quittant sa ville natale pour aller courir l'aventure. Ce n'était pas la peine de se poser des questions du style « bon sang que m'arrive-t-il ? », elle le savait très bien. Elle n'avait pas envie de laisser Malikaï en plan, surtout que le pauvre n'aurait même plus une mercenaire un peu dingue pour le distraire. Elle comptait bien tenir sa promesse, et revenir le revoir. En espérant que d'ici là, elle sache un peu mieux où elle en était sur ce point-là, ce qui n'allait pas être facile, tant la recherche de roi fou ne facilitait pas l'introspection. Mais enfin, elle verrait bien. Sans demander conseil, bien sûr, sous peine d'entendre Killian et probablement Sigrid se payer sa tête. Elle verrait bien. En passant la grande porte de la ville, elle résista héroïquement à son envie de se retourner et de jeter un dernier coup d’œil au château. Ca n'aurait servi à rien. A la place, elle se concentra plutôt sur la marche, sous peine de finir la tête la première dans une congère.
Deux jours de marche plus tard, ils n'avaient pas avancé autant que prévu, mais ce n'était pas faute d'essayer. Mais le fait de s'être lancés dans l'aventure en hiver, contraints et forcés il est vrai, n'aidait pas beaucoup. Au bout de quelques heures de marche plutôt agréable où les seuls inconvénients avaient été le soleil se reflétant sur la neige et l'air tout de même assez froid même s'ils l'avaient prévu, le ciel s'était couvert de nuages noirs menaçants, et la neige s'était mise à tomber. D'abord de manière éparse, et ils avaient tenté d'ignorer, ce n'était pas ça qui allait les arrêter. Mais très vite, la chute s'était épaissie, et les petits flocons dansant dans le vent étaient devenus des paquets de neige poussés par la bise. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour ne plus voir du tout où ils allaient. La route ne se devinait qu'en creusant l'épaisse couche blanche du bout du pied, et s'y déplacer devenait dangereux. Le vent glacé se glissait dans les interstices des vêtements, les gelant jusqu'aux os. Et pour ajouter encore à la difficulté, la nuit était en train de tomber. Ils évitèrent les plaisanteries à base de mauvais départ et de « ça commence bien », ce n'était pas vraiment le moment. De toute façon, ouvrir la bouche, ça voulait dire aspirer davantage d'air froid que nécessaire. Ils se contentèrent donc de patauger dans la neige, en espérant ne pas être en train de s'égarer définitivement, et de ne pas servir de nourriture à des loups dans les plus brefs délais. Heureusement, avant que des créatures affamées ne décident que ces mercenaires égarés ne feraient un bon repas, des lumières apparurent au travers du rideau de neige, leur indiquant la direction à prendre. Double coup de chance, c'était un village, et encore mieux, le premier qu'Ewan avait choisi. Ils ne s'étaient donc même pas perdus, ce qui était quand même plutôt bon signe étant donné qu'ils avaient une mission à réaliser, et que s'égarer n'allait pas vraiment aider. Quelques recherches en plus (et une magnifique chute d'épéiste par-dessus une pierre qu'elle n'avait pas vue), et ils se retrouvèrent enfin à l'abri dans l'auberge, où ils purent se débarrasser des flocons qui les recouvrait au point de le faire ressembler à des bonhommes de neige, et où ils trouvèrent du réconfort, de la nourriture chaude et de l'alcool. Mais cette fois-ci, pas question de se faire repérer, ils étaient en mission secrète. Et donc, ils se firent aussi discrets que possible, et épargnèrent à tout un chacun le chaos habituel de leurs réunions. A vrai dire, ils étaient plutôt pressés d'aller se réfugier sous leurs couvertures.
Il fut difficile de reprendre le trajet le lendemain. La neige n'avait pas faibli, et la circulation même sur les plus grandes routes allait être difficile. Ils n'avanceraient pas très vite, et n'atteindraient probablement pas leur prochaine étape. Personne n'avait envie de passer la nuit dans la nature par un temps pareil, ça n'avait rien de comparable avec ce qu'ils avaient déjà subi. Gillan fit la remarque que de toute façon, il faudrait bien qu'ils s'y fassent, étant donné que quand ils seraient dans l'Ouest, ils n'auraient pas d'auberge sous la main chaque fois qu'ils en voudraient une, et qu'il ferait encore plus froid. Remarque frappée au coin du bon sens, mais ce n'était pas très encourageant. D'un autre côté, il n'y aurait personne sur les routes, et même les divers brigands de grand chemin ne sortiraient probablement pas le nez de leur tanière. Ils seraient tranquilles. Ce fut cet argument qui les décida à continuer leur périple, et le fait qu'Ewan eut repéré sur la carte un endroit où ils pourraient s'arrêter si jamais ils n'arrivaient pas à destination. Sauf Killian, qui bien sûr avait bien envie de passer quelques dizaines de malandrins par l'épée, mais il dut se faire une raison, il faudrait qu'il attende.
Le mauvais temps dura encore toute une journée, leur compliquant la tâche tout en les rendant horriblement grognons pour des raisons de froid et de jambes douloureuses. Killian se résolut à attacher ses cheveux pour éviter qu'ils finissent impossiblement emmêlés, Lucillien avait fait de même depuis longtemps. Sigrid s'appliquait à vérifier que personne n'héritait d'engelures, de rhume ou de tout autre inconvénient dans le même genre. Elle prêtait une attention toute particulière à la main mutilée d'Ewan, puisque l'absence de sensation l'empêchait de se rendre compte des gelures, au grand dam du mage qui ne demandait pas tant d'attention et qui l'assurait que les gants suffisaient. Pervenche laissait faire, elle n'avait pas vraiment envie de perdre des doigts, comme Gillan et Lucillien qui soumettaient gentiment ses extrémités à l'examen de la mage blanche. Le maître d'armes refusa vertement tout soin ou vérification, et la mage blanche finit par l'envoyer se faire voir ailleurs si jamais il gelait sur pied. Lucillien soupira discrètement : ça serait à lui de s'en occuper. Mais il s'abstint de faire toute remarque sous peine d'avoir encore droit à un sermon sur son appartenance au genre masculin.
Heureusement pour eux, la neige cessa le matin du troisième jour, leur rendant leur visibilité. Dans les deux sens, d'ailleurs, parce qu'ils étaient à présent facilement repérables sur l'immense étendue blanche. Killian en fit la remarque à Ewan avec sa délicatesse habituelle :
- Tu n'as pas pensé que ce serait peut-être dangereux et qu'on formerait des cibles faciles ?
- Bien sûr que si, j'y ai pensé... La prochaine forêt est à deux kilomètres, et même au milieu des arbres noirs, à moins de nous habiller tout en noir, nous serons toujours visibles, et nous auront du mal à circuler. J'ai calculé les risques et les efforts à fournir, en prenant en compte les chutes de neige, et j'ai déterminé que passer sur la route serait moins compliqué et plus rapide. En plus, vous n'avez rien contre les voleurs, parce qu'au mieux, ça vous donne une occasion de vous battre. Au pire, ça nous ralentit simplement.
L'assurance du mage surprit le maître d'armes, mais ses arguments se tenaient, et il avait raison au moins sur le point du combat, même si ce n'était que du menu fretin qui valait à peine qu'il sorte sa lame. Il se drapa donc dans sa dignité et continua d'avancer. Et ainsi, de pataugeage dans la neige en discussions animées entre eux, ils se rapprochèrent cahin-caha de l'Ouest.
- Tu pars vraiment ?
- J'ai pas vraiment le choix, tu sais. Maintenant que j'ai donné ma parole à ton Elric, et à sa Belladone de compagnie, il faut que j'y aille. Sinon, ils se feront une joie de m'abattre.
- Ce n'est pas le genre d'Elric, objecta-t-il.
- Mais c'est le genre de la princesse. Elle n'hésitera pas à me découper en tous petits morceaux et me donner à manger à... je ne sais pas, mais ça ne sera pas agréable du tout.
- Elle n'a qu'à y aller avec son mage qui brille et les autres...
- Je sais, soupira Pervenche. J'aurais bien aimé l'y envoyer, mais elle a des arguments pour contrer tous les miens. Et puis, maintenant, j'ai réussi à décider les autres de venir, je pense qu'eux aussi m'en voudraient si je faisais marche arrière. Surtout Killian, parce qu'il me prendrait encore plus pour une trouillarde.
- Son avis t'importe tellement ?
- Il m'est égal, mais si ça se trouve, cet idiot ira chercher Dogmaël tout seul, et comme il est idiot, il finira probablement par agoniser dans un coin ou quelque chose.
- Mais tu le détestes, protesta le stratège, se débattant contre ce qui servait apparemment de logique à Pervenche.
- Un peu, mais c'est quelque chose comme mon ami, et il fait partie du groupe. J'ai pas particulièrement envie de le retrouver mort. Même si ça nous ferait du silence. En plus, on a besoin de lui.
- Parce qu'il est fort ?
- Parce qu'il est très fort. En plus, sans Meven et Hélios, on est pas vraiment de taille à affronter tous les crétins qu'on va trouver sur notre chemin, un maître d'armes, même dingue et qui aime le sang des gens, c'est un atout incroyable.
- Je n'aime quand même pas beaucoup te voir traîner avec lui...
Sans lâcher la main du stratège, Pervenche caressa les longs cheveux blancs, doucement. Malikaï sursauta, puis se détendit.
- T'en fais pas, dit-elle pour le rassurer. Je ne vais pas le laisser me faire le moindre mal.
- Je... je n'ai pas envie que tu partes.
Pervenche soupira intérieurement. Pourquoi fallait-il qu'il le dise maintenant ? Et qu'il le dise ? Et pourquoi sur ce ton qui faisait penser que le départ de la mercenaire qui squattait avec lui et lui cassait les pieds l'affectait plus qu'il n'aurait dit ? Elle n'avait pas non plus envie de partir, mais il le fallait. Elle avait pris sa décision, elle s'était endurcie... et voilà qu'il réduisait tout en miettes en quelques mots dont il n'avait peut-être même pas estimé la portée. Il fallait qu'elle mette les choses au point, et vite, avant de l'écraser dans un câlin étrangleur et de ne plus le lâcher. Elle le prit donc par les épaules, le tenant à bout de bras, et déclara :
- Je sais, mais dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Et je sais que tu sais, je ne te fais absolument pas la leçon. Belladone et Elric ont eu des arguments très convaincants pour nous décider à prendre cette mission, et on s'est engagés. On ira chercher ce Roi-Sorcier à la manque, et on le ramènera par la peau des fesses s'il le faut, mais j'espère qu'il ne le faudra pas. Et ensuite, je reviendrai à Altea.
- En une seule pièce ?
- Sans la moindre écorchure, c'est promis.
- Et tu reviendras à Altea ?
- Bien sûr, c'est promis.
Malikaï pesa un instant le pour et le contre, mais il n'avait pas vraiment le choix. Ce n'était pas comme s'il pouvait la retenir indéfiniment. Il soupira, et se décida à lâcher la main de la mercenaire. Elle lui caressa encore un peu les cheveux, repoussant le moment de le laisser. Elle se rendait bien compte qu'il était affecté, et qu'il faisait de son mieux pour cacher qu'il était sur le point de pleurer, pour ne pas lui donner mauvaise conscience ou tenter de la retenir. Elle lui en fut reconnaissante. Il fallait qu'elle s'esquive, vite, avant de changer d'avis et d'aller se cacher dans la bibliothèque, ou pire, de prendre le stratège sous le bras et de l'emmener dans son paquetage. Elric ne lui pardonnerait jamais, et s'ils auraient déjà du mal à protéger Lucillien, Malikaï signerait son arrêt de mort. Il fallait qu'elle parte. Elle le gratifia donc d'une étreinte qu'elle espérait virile et fraternelle, l'assura encore une fois qu'elle reviendrait très vite en état parfait, et le laissa planté là, s'empressant de déguerpir sans un regard en arrière.
Elle alla retrouver Ewan dans sa cachette au fin fond de la bibliothèque de la guilde. Il était à nouveau plongé dans des piles d'ouvrages qui s'entassaient tout autour de lui et menaçaient de l'ensevelir à court terme. Pervenche dégagea une chaise en posant les précieux livres dans le premier tas venu. Ewan la regarda faire, vaguement agacé, mais elle devait avoir une idée derrière la tête. Il attendit qu'elle finisse d'étayer les empilements instables et qu'elle lui dise ce qui l'amène. Une fois satisfaite de ses aménagements (en les poussant du pied pour s'assurer qu'ils tiendraient au moins jusqu'à ce qu'elle reparte), Pervenche étala sur la table du mage une grande carte du continent très détaillée, puis annonça :
- Etant donné que tu es le plus sensé du groupe, est-ce que tu peux nous établir un trajet rapide, pas trop contraignant, et nous définir des haltes ?
Ewan regarda la carte un moment, et remarqua :
- Ta carte ne couvre pas vraiment l'Ouest, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose.
- Je sais, soupira Pervenche, mais je n'ai pas pu trouver mieux. Belladone dit qu'elle n'en a pas d'autre, les deux qui sont apparemment ses frères adoptifs sont restés très vagues et un des deux ne parle pas, et même l'érudit en noir est aussi accueillant qu'un mur de briques. Tout ce qu'elle a donné, ce sont de vagues indications sur des endroits où il serait possible qu'éventuellement, il se cache mais peut-être pas.
- Ils veulent qu'on aille dans l'Ouest, mais ils ne nous donnent pas de détails ?
- Faudra qu'on se débrouille...
- Ca m'a l'air particulièrement bien parti... comme le fait qu'on doive écumer tout un pays pour trouver un Roi-Sorcier qui se cache...
- Je t'ai dit ce que je sais. Que d'après Belladone, il doit s'être planqué dans les montagnes...
- … ce qui n'aide pas puisqu'elles couvrent une bonne partie du royaume...
- Je sais. Et qu'il ne vit probablement pas dans une grotte. Sauf qu'on n'a aucune idée d'où, quand, comment, pourquoi, et que si ça se trouve, il a une forteresse souterraine qu'on ne repérera jamais. Et que les indications de Belladone sont assez hasardeuses. Je sens qu'on va s'amuser.
Ewan se mit au travail, le nez collé à la carte, calculant et mesurant en marmonnant dans sa barbe. Pervenche le regarda faire, c'était fascinant de voir quelqu'un d'intelligent au travail, surtout quand il n'en profitait pas pour étaler sa science. Pendant une bonne heure, il prit des notes, gribouilla, grogna pour faire bonne mesure, ignorant totalement la mercenaire qui dessinait des petits personnages sur ses notes avec une mine de plomb. Enfin, il reprit ses écrits et lui mit sous le nez une carte annotée de pattes de mouches illisibles. Elle tenta de lire, retenta, et le regarda, l'air d'attendre une traduction. Il lui tendit donc la liste qu'il avait constituée, légèrement plus lisible. Il avait parfaitement détaillé la route, les endroits où faire les haltes, et même les endroits qui seraient probablement les plus dangereux. Elle consulta la feuille, puis se leva, et lui dit en lui tapotant l'épaule :
- T'as bien bossé. Avec ça, on va s'en sortir.
Ewan répondit d'un simple son d'assentiment, mais il était secrètement flatté. Il demanda :
- Dans combien de temps partons-nous ?
- Juste le temps pour toi de ranger tes bouquins.
Et elle le laissa en plan au milieu de sa citadelle de livres.
Enfin, au petit matin, ils furent prêts à partir. Pervenche était plutôt fière d'elle, elle avait cette fois-ci réussi à se préparer pour une longue expédition sans que Meven lui pointe ce qui clochait dans sa réflexion. Bon, elle avait peut-être eu l'aide de Sigrid qui avait débarqué dans sa chambre d'auberge en affirmant que si Killian et elle avaient bien un point en commun, c'était d'avoir le sens pratique d'un caillou. Avec une efficacité étonnante pour quelqu'un qui était censée n'avoir jamais quitté son temple, elle dressa une liste du matériel nécessaire, puis entraîna Gillan avec elle pour se le procurer, et en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « coup de bâton de mage blanc », tout le groupe fut prêt et équipé. A la grande joie de Killian, qui trouvait qu'il y avait quand même beaucoup de féminité dans le groupe, Lucillien et Sigrid avaient troqué leurs robes trop peu pratiques pour le combat et la marche contre des vêtements plus appropriés. Le moine arborait maintenant une tunique du même gris que sa robe, qui, si elle était plus longue que la normale, ne gênerait pas ses mouvements, et il avait gardé sa cape blanche. De manière étonnante, Sigrid avait opté pour des vêtements qui ressemblaient à ceux de Killian, avec une tunique épaisse passée sur une chemise au col fermé par une écharpe de ce qui paraissait être de la soie blanche, et un pantalon tout bête. Sa veste à elle était blanche et épaisse, bordée de bleu, et comportait une capuche. Le maître d'armes fit la remarque que le vêtement ne resterait pas longtemps blanc, mais elle l'ignora avec superbe. Quant à Gillan, elle avait remplacé sa chemise dans le style de ses plaines natales par une tenue semblable à celle de Pervenche : une tunique à manches courtes portée sur une à manches longues, pantalon en toile épaisse, et une broigne de cuir qui éviterait d'ajouter quelques cicatrices à sa collection. La soigneuse vérifia encore une fois qu'ils étaient tous bien emmitouflés contre le froid qui n'allait pas les épargner, s'attirant la remarque habituelle du maître d'armes qu'il n'avait pas besoin d'une maman pour vérifier qu'il avait bien mis ses gants, merci bien. Elle l'ignora avec superbe. Pervenche donna le signal du départ, et ils prirent la direction des portes de la ville. Ils bavardaient entre eux et taquinaient Ewan, mais Pervenche n'avait pas le cœur à se mêler à eux. Elle ressentait un drôle de tiraillement dans la poitrine, le même qu'elle avait ressenti en quittant sa ville natale pour aller courir l'aventure. Ce n'était pas la peine de se poser des questions du style « bon sang que m'arrive-t-il ? », elle le savait très bien. Elle n'avait pas envie de laisser Malikaï en plan, surtout que le pauvre n'aurait même plus une mercenaire un peu dingue pour le distraire. Elle comptait bien tenir sa promesse, et revenir le revoir. En espérant que d'ici là, elle sache un peu mieux où elle en était sur ce point-là, ce qui n'allait pas être facile, tant la recherche de roi fou ne facilitait pas l'introspection. Mais enfin, elle verrait bien. Sans demander conseil, bien sûr, sous peine d'entendre Killian et probablement Sigrid se payer sa tête. Elle verrait bien. En passant la grande porte de la ville, elle résista héroïquement à son envie de se retourner et de jeter un dernier coup d’œil au château. Ca n'aurait servi à rien. A la place, elle se concentra plutôt sur la marche, sous peine de finir la tête la première dans une congère.
Deux jours de marche plus tard, ils n'avaient pas avancé autant que prévu, mais ce n'était pas faute d'essayer. Mais le fait de s'être lancés dans l'aventure en hiver, contraints et forcés il est vrai, n'aidait pas beaucoup. Au bout de quelques heures de marche plutôt agréable où les seuls inconvénients avaient été le soleil se reflétant sur la neige et l'air tout de même assez froid même s'ils l'avaient prévu, le ciel s'était couvert de nuages noirs menaçants, et la neige s'était mise à tomber. D'abord de manière éparse, et ils avaient tenté d'ignorer, ce n'était pas ça qui allait les arrêter. Mais très vite, la chute s'était épaissie, et les petits flocons dansant dans le vent étaient devenus des paquets de neige poussés par la bise. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour ne plus voir du tout où ils allaient. La route ne se devinait qu'en creusant l'épaisse couche blanche du bout du pied, et s'y déplacer devenait dangereux. Le vent glacé se glissait dans les interstices des vêtements, les gelant jusqu'aux os. Et pour ajouter encore à la difficulté, la nuit était en train de tomber. Ils évitèrent les plaisanteries à base de mauvais départ et de « ça commence bien », ce n'était pas vraiment le moment. De toute façon, ouvrir la bouche, ça voulait dire aspirer davantage d'air froid que nécessaire. Ils se contentèrent donc de patauger dans la neige, en espérant ne pas être en train de s'égarer définitivement, et de ne pas servir de nourriture à des loups dans les plus brefs délais. Heureusement, avant que des créatures affamées ne décident que ces mercenaires égarés ne feraient un bon repas, des lumières apparurent au travers du rideau de neige, leur indiquant la direction à prendre. Double coup de chance, c'était un village, et encore mieux, le premier qu'Ewan avait choisi. Ils ne s'étaient donc même pas perdus, ce qui était quand même plutôt bon signe étant donné qu'ils avaient une mission à réaliser, et que s'égarer n'allait pas vraiment aider. Quelques recherches en plus (et une magnifique chute d'épéiste par-dessus une pierre qu'elle n'avait pas vue), et ils se retrouvèrent enfin à l'abri dans l'auberge, où ils purent se débarrasser des flocons qui les recouvrait au point de le faire ressembler à des bonhommes de neige, et où ils trouvèrent du réconfort, de la nourriture chaude et de l'alcool. Mais cette fois-ci, pas question de se faire repérer, ils étaient en mission secrète. Et donc, ils se firent aussi discrets que possible, et épargnèrent à tout un chacun le chaos habituel de leurs réunions. A vrai dire, ils étaient plutôt pressés d'aller se réfugier sous leurs couvertures.
Il fut difficile de reprendre le trajet le lendemain. La neige n'avait pas faibli, et la circulation même sur les plus grandes routes allait être difficile. Ils n'avanceraient pas très vite, et n'atteindraient probablement pas leur prochaine étape. Personne n'avait envie de passer la nuit dans la nature par un temps pareil, ça n'avait rien de comparable avec ce qu'ils avaient déjà subi. Gillan fit la remarque que de toute façon, il faudrait bien qu'ils s'y fassent, étant donné que quand ils seraient dans l'Ouest, ils n'auraient pas d'auberge sous la main chaque fois qu'ils en voudraient une, et qu'il ferait encore plus froid. Remarque frappée au coin du bon sens, mais ce n'était pas très encourageant. D'un autre côté, il n'y aurait personne sur les routes, et même les divers brigands de grand chemin ne sortiraient probablement pas le nez de leur tanière. Ils seraient tranquilles. Ce fut cet argument qui les décida à continuer leur périple, et le fait qu'Ewan eut repéré sur la carte un endroit où ils pourraient s'arrêter si jamais ils n'arrivaient pas à destination. Sauf Killian, qui bien sûr avait bien envie de passer quelques dizaines de malandrins par l'épée, mais il dut se faire une raison, il faudrait qu'il attende.
Le mauvais temps dura encore toute une journée, leur compliquant la tâche tout en les rendant horriblement grognons pour des raisons de froid et de jambes douloureuses. Killian se résolut à attacher ses cheveux pour éviter qu'ils finissent impossiblement emmêlés, Lucillien avait fait de même depuis longtemps. Sigrid s'appliquait à vérifier que personne n'héritait d'engelures, de rhume ou de tout autre inconvénient dans le même genre. Elle prêtait une attention toute particulière à la main mutilée d'Ewan, puisque l'absence de sensation l'empêchait de se rendre compte des gelures, au grand dam du mage qui ne demandait pas tant d'attention et qui l'assurait que les gants suffisaient. Pervenche laissait faire, elle n'avait pas vraiment envie de perdre des doigts, comme Gillan et Lucillien qui soumettaient gentiment ses extrémités à l'examen de la mage blanche. Le maître d'armes refusa vertement tout soin ou vérification, et la mage blanche finit par l'envoyer se faire voir ailleurs si jamais il gelait sur pied. Lucillien soupira discrètement : ça serait à lui de s'en occuper. Mais il s'abstint de faire toute remarque sous peine d'avoir encore droit à un sermon sur son appartenance au genre masculin.
Heureusement pour eux, la neige cessa le matin du troisième jour, leur rendant leur visibilité. Dans les deux sens, d'ailleurs, parce qu'ils étaient à présent facilement repérables sur l'immense étendue blanche. Killian en fit la remarque à Ewan avec sa délicatesse habituelle :
- Tu n'as pas pensé que ce serait peut-être dangereux et qu'on formerait des cibles faciles ?
- Bien sûr que si, j'y ai pensé... La prochaine forêt est à deux kilomètres, et même au milieu des arbres noirs, à moins de nous habiller tout en noir, nous serons toujours visibles, et nous auront du mal à circuler. J'ai calculé les risques et les efforts à fournir, en prenant en compte les chutes de neige, et j'ai déterminé que passer sur la route serait moins compliqué et plus rapide. En plus, vous n'avez rien contre les voleurs, parce qu'au mieux, ça vous donne une occasion de vous battre. Au pire, ça nous ralentit simplement.
L'assurance du mage surprit le maître d'armes, mais ses arguments se tenaient, et il avait raison au moins sur le point du combat, même si ce n'était que du menu fretin qui valait à peine qu'il sorte sa lame. Il se drapa donc dans sa dignité et continua d'avancer. Et ainsi, de pataugeage dans la neige en discussions animées entre eux, ils se rapprochèrent cahin-caha de l'Ouest.