Chapitre 5
Il leur fallut deux jours de marche pour atteindre […]. Ils
eurent de la chance, le temps resta au beau fixe, et le voyage prit des allures
de promenade bucolique. Ils discutèrent un peu, échangèrent des informations
plus ou moins confidentielles, et des potins sur leurs connaissances communes,
et se taquinèrent beaucoup, mais la plupart du temps, ils se contentaient
d’avancer dans un silence qui n’avait rien d’inconfortable. Ils firent halte
une fois la nuit tombée à l’écart de la route, et à l’occasion, Pervenche
démontra qu’elle était capable de faire cuire un repas sans le brûler
complètement – mais c’était limite – et elle fut bien contente d’avoir pensé à
prendre une cape-couverture bien épaisse. Les nuits étaient plus froides que ce
qu’elle avait prévu, mais au moins, dormir sur un sol dur et inconfortable ne
la dérangeait pas. Même si elle était un peu envieuse de Meven, qui parvenait à
donner l’impression que le carré d’herbe où il dormait était aussi confortable
qu’un épais matelas. Dans l’ensemble, les choses étaient moins difficiles
qu’elle l’avait pensé… pour une première nuit, en tous cas. Et ils ne furent
pas réveillés par une pluie battante, comme elle l’avait craint, mais par le
soleil comme la première fois. L’un dans l’autre, pour un premier voyage, même
si c’était juste deux petits jours, c’était une expérience plutôt
encourageante.
Ils atteignirent […] en fin d’après-midi. C’était une ville beaucoup plus petite que Satoléa, mais construite de la même manière : une ancienne forteresse, avec une grande tour à une extrémité, sur une petite colline, de grandes avenues qui en partaient et séparaient la ville en quartiers, et entre ces axes, une multitude de maisons serrées les unes contre les autres, avec plein de petites ruelles qui serpentaient. Contrairement à là d’où ils venaient, par contre, il n’y avait pas de murailles autour, et donc pas de portes à tenter de franchir en évitant les gardes. Meven assura Pervenche qu’il connaissait déjà la ville, il était déjà venu terroriser la population dans son jeune temps. Elle lui demanda quel âge il avait pour avoir un « jeune temps », il lui répondit qu’on ne demandait pas ce genre de choses à un assassin, et il la conduisit en ville, dans l’un des quartiers en périphérie, pas loin de la rivière. Le genre de quartier où les gardes ne s’aventuraient qu’en groupe quand ils cherchaient un criminel important, où la loi n’était pas trop appliquée et où les assassins, les voleurs, les prostituées et le reste se retrouvaient sans risque d’être arrêtés. Meven la rassura : si elle restait avec lui, personne n’oserait lui faire le moindre mal ni tenter de voler dans son sac. Elle ne mettrait pas longtemps à se faire un nom, et ça serait alors à son tour d’être crainte. Un peu comme lui, mais en moins dangereux, ajouta-t-il avec un grand sourire.
Ils descendirent dans une auberge, coincée dans une ruelle tellement étroite que les toits se touchaient presque, et où on ne voyait pas grand-chose. L’enseigne, abîmée par les intempéries, représentait un homme habillé de manière étrange, en train de manipuler des gobelets retournés, et qui proclamait qu’elle s’appelait « le Bateleur ». La salle à l’intérieur était encore plus sombre, enfumée, bondée, et bruyante. Un mélange de fumée, de musique entraînante, d’odeurs de nourriture, de conversations, de lumières de bougies, de tabac, de cris et de chansons d’ivrognes, tout ça mélangé et concentré autour d’une foule composée de la pire faune de la ville. Meven navigua parmi cette faune avec aisance, Pervenche restant presque collée à lui pour éviter les ennuis, et atteignit le comptoir. L’aubergiste l’accueillit avec un éclat de rire tonitruant et un sourire d’ogre, et s’exclama :
- Meven, espèce de vieux serpent ! Je te croyais mort à [ ?] !
Ils échangèrent des signes de main compliqués qui ne rimaient à rien aux yeux de Pervenche, mais qui devaient certainement être secrets et importants, et ils se mirent à discuter à voix basse. Des pièces changèrent de main. Il y eut encore des échanges chuchotés, puis Meven attrapa Pervenche par le bras et l’entraîna vers les escaliers. Un certain nombre de personnes, visiblement alertés par l’aubergiste, saluèrent l’assassin au passage. Il ne s’arrêta pas, se contentant de lancer quelques mots à gauche et à droite. Ils gravirent les marches, et Meven ouvrit l’une des portes du couloir avec une clé qu’elle ne l’avait pas vu récupérer. Il désigna fièrement la chambre comme leur « nouveau quartier général d’où ils pourraient opérer et compter leur argent bien gagné ». Le temps de poser leurs affaires, et ils redescendirent se mêler aux autres, histoire de commencer à se renseigner sur les contrats qu’ils pourraient trouver, et autres informations pouvant être utiles.
Les premières missions que Pervenche réussit à trouver n’étaient pas vraiment fabuleuses, mais c’était mieux que rien, ça permettait de faire gagner un peu d’argent, et ça l’occupait. Escorter quelqu’un en dehors de la ville pour lui éviter d’être attaqué par des bêtes sauvages, porter un paquet d’une personne à une autre, puis ramener un autre paquet à la première personne, et, comme elle s’en doutait, devoir chercher des animaux égarés. Un gamin lui offrit même des gâteaux pour qu’elle retrouve son chat, et elle n’était vraiment pas du genre à refuser une mission. En tous cas, les biscuits étaient bons. Elle ne se faisait pas vraiment un nom, malgré ce qu’avait prétendu Meven, mais apparemment, même pour les débutants, le travail ne manquait pas, et puis elle s’amusait bien.
Elle écrivit également une lettre à ses parents, expliquant qu’elle allait bien, que ce qu’elle faisait lui plaisait, qu’elle les aimait très fort et qu’elle était bien contente d’être partie pour pouvoir faire ce qu’elle voulait. Elle les assura qu’elle reviendrait un jour, quand elle serait devenue riche et célèbre. Trouver un messager fut assez facile, et quelques pièces supplémentaires l’assurèrent que ses parents ne sauraient pas où elle était en ce moment. Elle n’avait pas vraiment besoin que son père ne lance un autre mercenaire à ses trousses. Mais bon, au moins, ils sauraient qu’elle n’avait pas été dévorée par des loups juste après son départ.
Alors qu’elle était occupée à recompter le payement de sa dernière mission, accompagner un négociant dans un quartier risqué, Meven vint s’installer à sa table et déclara :
- J’ai trouvé une mission qui rapporte bien. Ca t’intéresse ?
- Ca implique de tuer quelqu’un ?
- Ni tuer, ni voler. Il faut retrouver quelqu’un.
- C’est dans mes cordes, je suppose.
L’assassin la conduisit à la table des commanditaires, deux individus qui portaient la traditionnelle cape noire qui était presque la tenue de mise au Bateleur. Leurs capuchons étaient relevés, et avec le peu de lumière, c’était très difficile de voir autre chose que de vagues ombres. Pervenche discerna vaguement un nez aquilin et une barbe sombre chez l’un des deux, et une cicatrice en travers d’une joue chez l’autre, mais ça s’arrêtait là. Elle était vaguement tentée de mettre son capuchon elle aussi, pour se mettre dans l’ambiance, mais Meven s’était déjà assis, et le barbu murmura, pour ne pas être entendu des autres tables :
- Nous avons besoin de personnes discrètes, pour retrouver quelqu’un.
- Nous sommes discrets, et très doués, les assura l’assassin.
- Je vous fais confiance sur ce point. Vous serez largement récompensés si vous réussissez, et largement punis si ce n’est pas le cas.
- Comme d’habitude.
- Et qui devons-nous chercher ? intervint Pervenche.
- Un individu très dangereux, reprit leur commanditaire. Il a tué plusieurs personnes dans sa route depuis Lehn, la ville du Sud dont il est parti, et il les a dépouillés.
- Un assassin ? demanda Meven, son intérêt éveillé.
- Peut-être bien. Nous ne savons pas trop, exactement, quel est son but, outre semer la destruction et le malheur sur son passage. Personnellement, je pense qu’il tue pour le plaisir, pour ce qu’il ressent quand il prend une vie, pour la joie qu’il éprouve à mettre fin à l’existence d’une personne innocente. Si vous me demandiez mon avis, je dirais qu’il s’agit d’un monstre, un meurtrier sans âme, un…
Son compagnon lui donna un coup de coude pour l’arrêter. Pervenche dut se cacher derrière sa main pour éviter qu’ils la voient rire. Meven réussit admirablement à garder une expression impassible. Celui qui n’avait pas encore parlé précisa alors :
- Comme vous l’avez certainement compris, cet individu est dangereux, et nous souhaitons qu’il soit jugé et condamné pour ses crimes. Nous comptons vraiment sur vous pour le ramener, de préférence vivant.
- Et si on le blesse ? demanda Pervenche.
- Nous le voulons vivant. C’est tout.
La conversation s’égara ensuite sur des constatations monétaires, et des négociations diverses.
Ils partirent immédiatement. L’un de leurs commanditaires avait précis » qu’apparemment, l’homme qu’ils voulaient trouver était dans le coin, probablement hors de la ville, mais étant donné qu’il avait tué quelqu’un la veille, il ne devait pas être parti très loin. Ils leur avaient donné quelques indications, également, pour leur éviter de tomber sur le dos du premier venu. Ils étaient donc à la recherche d’un homme d’une vingtaine d’années, portant une cotte de mailles, probablement lourdement armé. Ils l’avaient décrit comme « grand et maigre », et portant un casque. Bon, ça ne devait pas courir les rues. Ni la nature, d’ailleurs. Ca n’allait pas être trop difficile de le trouver ou de le reconnaître. Le capturer serait probablement une autre paire de manches, mais ils verraient quand ils y seraient.
Meven prit immédiatement la tête de l’expédition. Il avait déjà traqué des gens, et un gamin n’allait pas lui faire peur. Mais étant donné qu’il était censé être armé, et que leur cible devait certainement être sur la défensive, le prendre par surprise n’allait pas forcément être facile. Et donc, il avait recruté Pervenche pour le maîtriser sans problèmes. Il n’y avait pas vraiment beaucoup d’endroits où l’autre avait pu se cacher. Ce n’était pas comme s’il passerait vraiment inaperçu au milieu de champs de blés ou de villages d’agriculteurs… En effet, quelques questions à ceux qui travaillaient dans les champs leur indiquèrent la direction vers laquelle l’individu était parti le matin même. Les deux mercenaires se lancèrent donc au pas de course sur ses traces.
Deux heures d’errance et de recherches après, à force de demander à tous ceux qu’ils croisaient, Meven et Pervenche réussirent à réduire les cachettes possibles à un petit bout de forêt à une bonne vingtaine de kilomètres de la ville. Leur cible avait probablement mis de la distance entre […] et lui, et il devait chercher un moyen de s’en sortir. Ou alors il se cachait hors de la ville, et il mijotait son prochain coup. Au choix.
Arrivés sous les arbres, ils se séparèrent. Pervenche continua en suivant un sentier à peine visible entre les buissons, tandis que Meven disparaissait entre les arbres. Elle fit de son mieux pour ne pas faire de bruit, mais elle n’était pas très douée. Après, avec un peu de chance, peut-être qu’il la prendrait pour un sanglier… Elle erra un moment entre les troncs, à la recherche d’un indice ou de quelque chose qui pourrait lui indiquer où se trouverait celui qu’elle cherchait. Peut-être qu’elle aurait dû demander d’abord à Meven ce qu’elle était censée chercher… Parce que faire la différence entre des traces d’animaux ou des traces laissées par le métal d’une cote de mailles, ce n’était pas vraiment dans ses compétences.
Elle commençait à se demander s’ils n’étaient pas partis dans une mauvaise direction, et si leur cible n’avait pas tout simplement continué son chemin sans que personne ne le voie, quand elle entendit un bruit métallique, un peu devant elle. Elle avança, avec une prudence redoublée. Là, à quelques mètres, il y avait une petite clairière, avec un ruisseau qui chantait sur des cailloux, une vraie image de livre. De grands arbres certainement vieux et vénérables, des fleurs, le soleil qui jouait à travers les feuilles. Et qui se reflétait sur quelque chose de métallique. Elle mit quelques secondes à remarquer ce qui faisait tache dans ce décor idyllique. Quelqu’un était assis contre un rocher, quelqu’un qui portait un casque, une cotte de mailles, des bottes qui montaient presque jusqu’aux genoux et des gants. Bon, au moins ils avaient trouvé leur cible. Maintenant… Elle voulut s’approcher en silence, mais le désavantage des sous-bois, c’étaient les innombrables brindilles qui jonchaient le sol, et qui craquaient sous le pied. Immédiatement, l’autre se leva d’un bond, une lance à pointe de métal à la main, et la pointa dans sa direction. Elle leva les mains, pour bien lui montrer qu’elle ne lui voulait pas de mal, et s’avança vers lui. Il l’arrêta presque aussitôt, ajoutant à la lance pointée sur elle un ordre des plus stricts :
- Si tu fais encore un pas, je t’embroche.
Ce qui lui apprit deux choses. Une, d’après le peu qu’elle voyait sous son casque, il ne plaisantait pas. Deux, s’il venait de Lehn, elle était prête à manger son épée, et la cotte de mailles avec. Lehn n’était pas tellement au sud de Satoléa, or ce lancier avait un accent qui n’était pas du tout de la région, beaucoup plus rond et chantant que ce à quoi on pouvait s’attendre. Pervenche savait qu’elle n’était pas tellement futée, mais il y avait quelque chose qui clochait. Mais avant qu’elle ait pu poser la question, une silhouette noire plongea du haut d’un arbre, droit sur le lancier, et le percuta de plein fouet, lui faisant lâcher son arme. Les deux roulèrent dans l’herbe, tentant de prendre le dessus sans y parvenir, avec, d’après Pervenche, un faux air de chats se battant dans une ruelle. Elle serait bien intervenue, histoire d’aider l’assassin, mais vue la situation, elle risquait davantage de le blesser que de l’aider, même si ça devenait nécessaire. Il était peut-être plus fort et plus expérimenté que l’autre, plus rapide et doué aussi, mais le lancier était plus grand, plus lourd grâce à sa cotte, et il se battait avec l’énergie du désespoir. Pervenche ne pouvait pas faire grand-chose. Quoique… Ils ne faisaient pas attention à elle, trop occupés qu’ils étaient à essayer de s’arracher les yeux ou quelque chose du genre. Elle se concentra, appelant son énergie magique. Bien, il lui en restait encore malgré les efforts de la journée. Maintenant, la transformer. Ca demandait beaucoup de concentration, et ce n’était pas facile avec les deux qui étaient presque en train de s’entre-tuer. Il fallait qu’elle fasse vite, avant que Meven ne soit blessé. De tous petits éclairs se mirent à danser au bout de ses doigts, formant des arcs. Leur intensité augmenta rapidement, et ils ne tardèrent pas à former une balle. Elle se racla alors la gorge et annonça d’une voix forte :
- Je suggère qu’on arrête les gamineries et qu’on discute un peu, il y a des choses à éclaircir. Sinon, je vous grille moi-même.
Ils s’immobilisèrent et la regardèrent. Elle fit de son mieux pour avoir l’air implacable et menaçant, mais il faut dire qu’ils avaient l’air plutôt ridicule, vautrés par terre comme ça. Meven avait des brindilles dans les cheveux et pointait une dague sur le lancier, qui était littéralement assis sur lui, et écartait son arme d’une main tandis que l’autre était autour du cou de l’assassin. Ils regardèrent tous les deux la boule d’un blanc aveuglant qui vibrait et avait l’air d’attendre la première occasion pour les frapper. Presque à regret, ils se séparèrent. Le lancier recula au bord du ruisseau, ramassa sa lance et reprit une posture méfiante, tendue. Il demanda :
- Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
- Nous sommes les gentils, et on veut ramener le méchant en ville, répondit Meven.
- Le… méchant ?
Il avait l’air particulièrement confus, mais on le serait à moins, surtout que l’assassin était très occupé à se curer les ongles avec son couteau et n’avait pas du tout l’air préoccupé par la situation. Il daigna expliquer :
- On nous a payés pour te ramener en ville. Histoire que tu payes pour tes crimes. La justice, tu vois ce que c’est ?
- Quel crime ?
- Tu penses que prendre l’air innocent pour qu’on te croie innocent, ça va marcher ?
- Je peux savoir de quoi on m’accuse ?
- Il paraît que tu as tué plein de gens, volé leur argent, semé la désolation et un certain nombre d’autres trucs du genre, intervint Pervenche.
S’il avait l’air confus avant, le lancier était maintenant en train de se demander ce que ces deux idiots pouvaient bien être en train de raconter. Il s’apprêtait à répondre, mais Meven lui coupa la parole, changeant complètement de sujet :
- Dis-moi… tu ne viens pas de Lehn, n’est-ce pas ?
- Bien sûr que non. Qui vous a dit ça ?
- Ceux qui nous ont payé. Mais ton accent nous dit que tu viens du Sud.
- Hmmmm.
Une réponse qui ne s’engageait pas trop. Pervenche commençait à bien s’amuser, à les regarder. Le lancier avait toujours l’air étonné et un brin suspicieux, mais il avait abandonné son attitude méfiante. Meven demanda, toujours l’image même de la décontraction :
- Et dis-nous… ce n’est pas trop difficile, d’être un soldat en fuite ?
LA question. Immédiatement, le lancier se remit en garde, visiblement prêt à les étriper tous les deux sur-le-champ s’ils faisaient mine de s’approcher un tant soit peu de lui. Le regard sous le bord du casque glissait de Meven à Pervenche, puis revenait à Meven, froid et tendu. Comme aucun des deux ne faisait mine de bouger, il finit par demander, sans bouger :
- Qu’est-ce qui te fait penser que je suis un déserteur ?
- Facile. En plus de porter une cotte de mailles dans un pays en paix, tu es poursuivi par des gens qui, apparemment, t’ont accusé de crimes imaginaires pour qu’on te capture, et sont disposés à payer des mercenaires pour t’avoir. Visiblement, ils sont prêts à tout pour ça. Ajoutons encore que tu as l’accent du Sud, que les gens de ton âge dans ton pays sont souvent soldats, et que tu te bats comme un vrai soldat. Oh, et accessoirement, les insignes de ton bataillon ont laissé des marques.
Pervenche n’aurait pas pu déchiffrer l’expression du lancier, même s’il n’avait pas porté de casque et si on l’avait payée pour. Une sorte d’étrange mélange de peur, de méfiance, la curiosité de savoir où Meven voulait en venir, et la confusion de tomber sur un hurluberlu pareil. Il les regarda, elle le regarda, Meven contempla ses ongles, pendant au moins cinq minutes. Un long silence tendu. Finalement, les épaules du lancier s’affaissèrent visiblement, et il demanda avec un soupir :
- Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? On extermine le méchant cavalier assassin et complètement fou ?
- Ca dépend, rétorqua Meven. Tu es un méchant cavalier assassin complètement fou ?
- Bien sûr que non. Mais vous avez été payés pour ça. Ca serait malhonnête de garder leur argent, pour ne pas leur ramener leur bête sauvage. Pourquoi, les mercenaires auraient-ils des remords, maintenant ?
- On n’est pas des mercenaires comme les autres, au cas où tu aurais pas remarqué, intervint Pervenche. Ces abrutis ont menti pour qu’on se lance à ta poursuite, et j’aime pas vraiment ce genre de manières. Meven, je sais pas, mais moi, j’ai plutôt envie d’aller leur casser la gueule pour leur apprendre à faire passer les gens pour des monstres juste pour obtenir ce qu’ils veulent.
L’assassin acquiesça distraitement. Il avait l’air plus occupé à fixer le lancier, à tel point que Pervenche se demandait s’il tentait de faire fondre son casque par la force de son esprit, ou quelque chose du genre. L’objet de son intérêt avait dû remarquer, parce qu’il avait l’air assez mal à l’aise. Finalement, Meven demanda :
- Alors ? On pose les armes et on discute ? Ou on t’attache et on ricane ?
- Je préférerais ne pas être attaché, si ça ne vous dérange pas, répondit l’autre, d’un ton grinçant. Question… de confort, vous voyez ?
- Alors pour commencer, tu pourrais peut-être nous montrer ton visage au lieu de te cacher sous ton casque ? Et nous dire ton nom ?
Le lancier hésita un instant, puis soupira. Il posa son arme, détacha son casque et l’enleva. Laissant Pervenche et Meven bouche bée. Le lancier était plus jeune que ce qu’ils pensaient, c’était le bout du monde s’il avait vingt ans. Et il était beau, très séduisant, avec un visage fin aux pommettes hautes, le teint bronzé par le soleil du Sud, où brillaient des yeux brun clair, presque or, en amande. Mais il y avait plus marquant. Il avait des cheveux noirs qui n’avaient pas dû voir une paire de ciseaux depuis un moment, et qui touchaient presque ses épaules. Mais du côté gauche, à partir de l’oreille, les mèches étaient d’un blanc immaculé, restes d’une blessure dont la cicatrice dépassait à peine. Avec la lumière du soleil de fin d’après-midi qui tombait dessus et les faisait briller comme de la neige, l’effet était impressionnant. Et, à en voir la tête de Meven, c’était même fascinant. Pervenche décida de prendre les rênes de la conversation, puisque l’assassin avait l’air hors course. Elle s’assit au pied d’un arbre, parce que tant qu’à faire, autant prendre ce genre de choses confortablement, et demanda au lancier :
- Bon, étape suivante : comment tu t’appelles ?
- Vous deux d’abord. Je ne vous fais pas vraiment confiance.
- Moi, c’est Pervenche, comme la fleur. Et lui, c’est Meven, même s’il ne veut pas qu’on le sache parce que c’est un assassin, et les assassins, ils sont un peu bizarres.
- Parce que tu n’es pas un assassin, toi ?
- Nan, je suis mercenaire. Je tue que les crétins et les méchants !
Le lancier eut un regard signifiant plus ou moins « bon sang, mais sur qui suis-je tombé ? » que Pervenche ignora avec application. Elle continua comme s’il n’était pas en train de s’interroger sur sa santé mentale :
- Bon, à toi, maintenant, comment tu t’appelles ?
- Hélios.
- Joli nom. Et si tu nous expliquais pourquoi ces deux idiots sont après toi et te font passer pour un monstre assoiffé de sang auprès des innocents mercenaires ?
Hélios posa son arme, s’assit lui aussi, et entreprit de raconter son histoire. Ce n’était pas une histoire très originale, ils devaient être nombreux à avoir la même. Il était né dans un pays en guerre, et comme beaucoup d’autres gens de son âge, il n’avait jamais rien connu d’autre. Il était devenu soldat, parce que c’était un des seuls métiers qu’il pouvait trouver. Il avait montré un certain talent pour le combat à la lance, et il était devenu cavalier. Il y avait eu des combats, des escarmouches, et il s’en était toujours sorti plus ou moins bien. Mais il devait bien l’avouer, ce n’était pas que grâce à sa férocité et ses capacités. La capitaine de son unité l’aimait bien, et elle l’avait pris sous son aile, lui donnant des conseils qui lui avaient plus d’une fois sauvé la peau. Grâce à Vera Lynn, il avait fait des progrès incomparables, était devenu un bon cavalier, avait même gagné un ou deux petits grades, et plus important que ça, était resté en vie pendant plusieurs années. Il n’avait jamais aimé la guerre, contrairement à certains de ses camarades et un certain nombre de ses supérieurs, il s’était contenté de faire de son mieux pour survivre. Et puis, Vera Lynn était morte, dans une embuscade surprise à laquelle ils n’avaient été que six à survivre. Le peu de fidélité qu’il éprouvait envers son pays et son armée s’étaient envolés. Il avait préparé son évasion avec soin, et il était parti en pleine nuit. Quitter le pays n’avait pas été difficile, malgré les gardes postés à la frontière. Mais il n’était pas le seul à avoir cette idée, et afin d’éviter la désertion et la fuite vers d’autres pays de tous leurs soldats, et afin de faire un exemple, certaines factions du Sud avaient décidé d’envoyer des hommes, assassins, mercenaires, qui voulaient éviter d’être enrôlés de force dans l’armée, à la recherche des déserteurs. Ce qui, visiblement, expliquait la disparition de tous les soldats du Sud qui fuyaient le pays. Et donc, voilà pourquoi il se retrouvait maintenant accusé de tous les maux, pour que deux mercenaires le ramènent pieds et poings liés, et qu’ils le transforment en chair à saucisse, pour l’exemple.
Pervenche et Meven le laissèrent un instant seul pour discuter entre eux. Il n’avait pas l’air de vouloir se sauver dès qu’ils auraient le dos tourné, et à vrai dire, il paraissait plutôt abattu. L’assassin demain :
- Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ? On le ramène, ou pas ?
- On a promis qu’on le ramenait pas ! répliqua-t-elle en le frappant de manière moyennement amicale au bras. J’aime pas ces cons, ils l’ont fait passer pour un tueur juste pour obtenir ce qu’ils voulaient. J’aime pas les manipulateurs.
- Tu oublies une ou deux petites choses. D’une, rien ne nous dit qu’il n’a strictement rien fait. Il ne suffit pas à un gamin d’avoir des yeux magnifiques et d’être beau comme un dieu pour être innocent.
- Des yeux magnifiques, et beau comme un dieu, vraiment ? Tu aurais pas un coup de cœur pour lui, par hasard ?
- Je ne fais que dire les choses comme elles sont. On lui donnerait le pardon sans confession, juste parce qu’il a un joli visage. Personnellement, je me méfie un peu. On ne sait pas ce qu’il a fait. Même si ça m’étonnerait qu’il ait arraché la gorge de quelqu’un avec les dents. Ca, c’est un peu fort.
- Ouais, ouais. Ne pense pas tromper mon intuition féminine, tu lui as déjà accordé toute ta confiance parce qu’il te plaît.
- Je ne répondrai rien, dit-il en se drapant dans sa dignité et dans sa cape d’un geste théâtral.
- Et le point suivant ? demanda-t-elle pour recentrer la conversation.
- Même si on ne le ramène pas, qu’est-ce qu’on va faire de lui ? Le laisser filer ? Retourner en ville comme si de rien n’était ? Et si on recroise ceux qui nous ont envoyé sur ses traces, qu’est-ce qu’on fait ? Et s’ils en envoient d’autres après lui ?
La réaction obtenue ne fut pas celle qu’il attendait, c’est-à-dire une intense réflexion sur les problèmes soulevés. Pervenche bondit sur ses pieds, battant des mains comme une gamine, et s’exclama :
- Facile ! On l’adopte !
- Comment ça, « on l’adopte » ? demandèrent Meven et Hélios en même temps. L’assassin était en train de se demander ce qu’elle avait bien pu boire sans qu’il s’en rende compte, le cavalier donnait l’impression que la foudre venait de lui tomber dessus. Elle élabora :
- C’est facile. On peut pas rendre l’argent. On peut pas retourner voir ces idiots, il y en aura probablement d’autres qui viendront. On peut pas le tuer, on a décidé qu’il a rien fait.
- On n’a rien « décidé » du tout, interrompit Meven. Tu as décidé, parce que c’est la vague impression qu’il te donne.
- Je n’ai tué personne ! hurla le cavalier, les faisant sursauter. Il croisa les bras, l’air furieux. Pervenche continua, imperturbable :
- On a donc compris qu’il a rien fait. Donc on peut pas le tuer. Et si on le laisse ici, ils finiront par lui lancer quelqu’un d’autre sur le dos. Donc… On a plus qu’à l’emmener avec nous !
Elle avait l’air fière de sa déduction, mais les choses n’étaient visiblement pas aussi claires pour Meven.
- Tu voudrais bien préciser encore un petit peu pour ceux qui n’auraient pas compris où tu veux en venir ? demanda-t-il.
- C’est bien simple. Les idiots sont en ville, et Hélios peut pas y retourner. Nous, on peut pas y rester. Mais on peut le laisser ici, retourner chercher nos affaires, notre argent, et revenir le récupérer ensuite. On suit la rivière jusqu’à Janéa, la ville lacustre, on se trouve une auberge, et on recommence à faire les mercenaires.
- Et s’ils envoient d’autres mercenaires que nous sur mes traces ? protesta Hélios.
- On a un assassin, avec nous, un des meilleurs ! T’en fais donc pas, personne ne nous retrouveras, et tu seras en sécurité !
Le lancier n’était pas particulièrement convaincu, mais avait-il le choix ? Ce n’était pas comme s’il pouvait éliminer un assassin et une gamine avec une épée en même temps, et, à moins qu’il s’agisse d’un plan particulièrement élaboré pour le tuer par surprise, ils avaient vraiment l’air décidé à l’aider. Il finit par accepter la proposition, un peu à contrecœur, un peu méfiant, aussi. Il promit de les attendre, tandis que les deux retourneraient en ville rechercher ce qui leur appartenait. Ensuite, ils se retrouveraient et partiraient vers leur prochaine étape, ensemble.
Ils atteignirent […] en fin d’après-midi. C’était une ville beaucoup plus petite que Satoléa, mais construite de la même manière : une ancienne forteresse, avec une grande tour à une extrémité, sur une petite colline, de grandes avenues qui en partaient et séparaient la ville en quartiers, et entre ces axes, une multitude de maisons serrées les unes contre les autres, avec plein de petites ruelles qui serpentaient. Contrairement à là d’où ils venaient, par contre, il n’y avait pas de murailles autour, et donc pas de portes à tenter de franchir en évitant les gardes. Meven assura Pervenche qu’il connaissait déjà la ville, il était déjà venu terroriser la population dans son jeune temps. Elle lui demanda quel âge il avait pour avoir un « jeune temps », il lui répondit qu’on ne demandait pas ce genre de choses à un assassin, et il la conduisit en ville, dans l’un des quartiers en périphérie, pas loin de la rivière. Le genre de quartier où les gardes ne s’aventuraient qu’en groupe quand ils cherchaient un criminel important, où la loi n’était pas trop appliquée et où les assassins, les voleurs, les prostituées et le reste se retrouvaient sans risque d’être arrêtés. Meven la rassura : si elle restait avec lui, personne n’oserait lui faire le moindre mal ni tenter de voler dans son sac. Elle ne mettrait pas longtemps à se faire un nom, et ça serait alors à son tour d’être crainte. Un peu comme lui, mais en moins dangereux, ajouta-t-il avec un grand sourire.
Ils descendirent dans une auberge, coincée dans une ruelle tellement étroite que les toits se touchaient presque, et où on ne voyait pas grand-chose. L’enseigne, abîmée par les intempéries, représentait un homme habillé de manière étrange, en train de manipuler des gobelets retournés, et qui proclamait qu’elle s’appelait « le Bateleur ». La salle à l’intérieur était encore plus sombre, enfumée, bondée, et bruyante. Un mélange de fumée, de musique entraînante, d’odeurs de nourriture, de conversations, de lumières de bougies, de tabac, de cris et de chansons d’ivrognes, tout ça mélangé et concentré autour d’une foule composée de la pire faune de la ville. Meven navigua parmi cette faune avec aisance, Pervenche restant presque collée à lui pour éviter les ennuis, et atteignit le comptoir. L’aubergiste l’accueillit avec un éclat de rire tonitruant et un sourire d’ogre, et s’exclama :
- Meven, espèce de vieux serpent ! Je te croyais mort à [ ?] !
Ils échangèrent des signes de main compliqués qui ne rimaient à rien aux yeux de Pervenche, mais qui devaient certainement être secrets et importants, et ils se mirent à discuter à voix basse. Des pièces changèrent de main. Il y eut encore des échanges chuchotés, puis Meven attrapa Pervenche par le bras et l’entraîna vers les escaliers. Un certain nombre de personnes, visiblement alertés par l’aubergiste, saluèrent l’assassin au passage. Il ne s’arrêta pas, se contentant de lancer quelques mots à gauche et à droite. Ils gravirent les marches, et Meven ouvrit l’une des portes du couloir avec une clé qu’elle ne l’avait pas vu récupérer. Il désigna fièrement la chambre comme leur « nouveau quartier général d’où ils pourraient opérer et compter leur argent bien gagné ». Le temps de poser leurs affaires, et ils redescendirent se mêler aux autres, histoire de commencer à se renseigner sur les contrats qu’ils pourraient trouver, et autres informations pouvant être utiles.
Les premières missions que Pervenche réussit à trouver n’étaient pas vraiment fabuleuses, mais c’était mieux que rien, ça permettait de faire gagner un peu d’argent, et ça l’occupait. Escorter quelqu’un en dehors de la ville pour lui éviter d’être attaqué par des bêtes sauvages, porter un paquet d’une personne à une autre, puis ramener un autre paquet à la première personne, et, comme elle s’en doutait, devoir chercher des animaux égarés. Un gamin lui offrit même des gâteaux pour qu’elle retrouve son chat, et elle n’était vraiment pas du genre à refuser une mission. En tous cas, les biscuits étaient bons. Elle ne se faisait pas vraiment un nom, malgré ce qu’avait prétendu Meven, mais apparemment, même pour les débutants, le travail ne manquait pas, et puis elle s’amusait bien.
Elle écrivit également une lettre à ses parents, expliquant qu’elle allait bien, que ce qu’elle faisait lui plaisait, qu’elle les aimait très fort et qu’elle était bien contente d’être partie pour pouvoir faire ce qu’elle voulait. Elle les assura qu’elle reviendrait un jour, quand elle serait devenue riche et célèbre. Trouver un messager fut assez facile, et quelques pièces supplémentaires l’assurèrent que ses parents ne sauraient pas où elle était en ce moment. Elle n’avait pas vraiment besoin que son père ne lance un autre mercenaire à ses trousses. Mais bon, au moins, ils sauraient qu’elle n’avait pas été dévorée par des loups juste après son départ.
Alors qu’elle était occupée à recompter le payement de sa dernière mission, accompagner un négociant dans un quartier risqué, Meven vint s’installer à sa table et déclara :
- J’ai trouvé une mission qui rapporte bien. Ca t’intéresse ?
- Ca implique de tuer quelqu’un ?
- Ni tuer, ni voler. Il faut retrouver quelqu’un.
- C’est dans mes cordes, je suppose.
L’assassin la conduisit à la table des commanditaires, deux individus qui portaient la traditionnelle cape noire qui était presque la tenue de mise au Bateleur. Leurs capuchons étaient relevés, et avec le peu de lumière, c’était très difficile de voir autre chose que de vagues ombres. Pervenche discerna vaguement un nez aquilin et une barbe sombre chez l’un des deux, et une cicatrice en travers d’une joue chez l’autre, mais ça s’arrêtait là. Elle était vaguement tentée de mettre son capuchon elle aussi, pour se mettre dans l’ambiance, mais Meven s’était déjà assis, et le barbu murmura, pour ne pas être entendu des autres tables :
- Nous avons besoin de personnes discrètes, pour retrouver quelqu’un.
- Nous sommes discrets, et très doués, les assura l’assassin.
- Je vous fais confiance sur ce point. Vous serez largement récompensés si vous réussissez, et largement punis si ce n’est pas le cas.
- Comme d’habitude.
- Et qui devons-nous chercher ? intervint Pervenche.
- Un individu très dangereux, reprit leur commanditaire. Il a tué plusieurs personnes dans sa route depuis Lehn, la ville du Sud dont il est parti, et il les a dépouillés.
- Un assassin ? demanda Meven, son intérêt éveillé.
- Peut-être bien. Nous ne savons pas trop, exactement, quel est son but, outre semer la destruction et le malheur sur son passage. Personnellement, je pense qu’il tue pour le plaisir, pour ce qu’il ressent quand il prend une vie, pour la joie qu’il éprouve à mettre fin à l’existence d’une personne innocente. Si vous me demandiez mon avis, je dirais qu’il s’agit d’un monstre, un meurtrier sans âme, un…
Son compagnon lui donna un coup de coude pour l’arrêter. Pervenche dut se cacher derrière sa main pour éviter qu’ils la voient rire. Meven réussit admirablement à garder une expression impassible. Celui qui n’avait pas encore parlé précisa alors :
- Comme vous l’avez certainement compris, cet individu est dangereux, et nous souhaitons qu’il soit jugé et condamné pour ses crimes. Nous comptons vraiment sur vous pour le ramener, de préférence vivant.
- Et si on le blesse ? demanda Pervenche.
- Nous le voulons vivant. C’est tout.
La conversation s’égara ensuite sur des constatations monétaires, et des négociations diverses.
Ils partirent immédiatement. L’un de leurs commanditaires avait précis » qu’apparemment, l’homme qu’ils voulaient trouver était dans le coin, probablement hors de la ville, mais étant donné qu’il avait tué quelqu’un la veille, il ne devait pas être parti très loin. Ils leur avaient donné quelques indications, également, pour leur éviter de tomber sur le dos du premier venu. Ils étaient donc à la recherche d’un homme d’une vingtaine d’années, portant une cotte de mailles, probablement lourdement armé. Ils l’avaient décrit comme « grand et maigre », et portant un casque. Bon, ça ne devait pas courir les rues. Ni la nature, d’ailleurs. Ca n’allait pas être trop difficile de le trouver ou de le reconnaître. Le capturer serait probablement une autre paire de manches, mais ils verraient quand ils y seraient.
Meven prit immédiatement la tête de l’expédition. Il avait déjà traqué des gens, et un gamin n’allait pas lui faire peur. Mais étant donné qu’il était censé être armé, et que leur cible devait certainement être sur la défensive, le prendre par surprise n’allait pas forcément être facile. Et donc, il avait recruté Pervenche pour le maîtriser sans problèmes. Il n’y avait pas vraiment beaucoup d’endroits où l’autre avait pu se cacher. Ce n’était pas comme s’il passerait vraiment inaperçu au milieu de champs de blés ou de villages d’agriculteurs… En effet, quelques questions à ceux qui travaillaient dans les champs leur indiquèrent la direction vers laquelle l’individu était parti le matin même. Les deux mercenaires se lancèrent donc au pas de course sur ses traces.
Deux heures d’errance et de recherches après, à force de demander à tous ceux qu’ils croisaient, Meven et Pervenche réussirent à réduire les cachettes possibles à un petit bout de forêt à une bonne vingtaine de kilomètres de la ville. Leur cible avait probablement mis de la distance entre […] et lui, et il devait chercher un moyen de s’en sortir. Ou alors il se cachait hors de la ville, et il mijotait son prochain coup. Au choix.
Arrivés sous les arbres, ils se séparèrent. Pervenche continua en suivant un sentier à peine visible entre les buissons, tandis que Meven disparaissait entre les arbres. Elle fit de son mieux pour ne pas faire de bruit, mais elle n’était pas très douée. Après, avec un peu de chance, peut-être qu’il la prendrait pour un sanglier… Elle erra un moment entre les troncs, à la recherche d’un indice ou de quelque chose qui pourrait lui indiquer où se trouverait celui qu’elle cherchait. Peut-être qu’elle aurait dû demander d’abord à Meven ce qu’elle était censée chercher… Parce que faire la différence entre des traces d’animaux ou des traces laissées par le métal d’une cote de mailles, ce n’était pas vraiment dans ses compétences.
Elle commençait à se demander s’ils n’étaient pas partis dans une mauvaise direction, et si leur cible n’avait pas tout simplement continué son chemin sans que personne ne le voie, quand elle entendit un bruit métallique, un peu devant elle. Elle avança, avec une prudence redoublée. Là, à quelques mètres, il y avait une petite clairière, avec un ruisseau qui chantait sur des cailloux, une vraie image de livre. De grands arbres certainement vieux et vénérables, des fleurs, le soleil qui jouait à travers les feuilles. Et qui se reflétait sur quelque chose de métallique. Elle mit quelques secondes à remarquer ce qui faisait tache dans ce décor idyllique. Quelqu’un était assis contre un rocher, quelqu’un qui portait un casque, une cotte de mailles, des bottes qui montaient presque jusqu’aux genoux et des gants. Bon, au moins ils avaient trouvé leur cible. Maintenant… Elle voulut s’approcher en silence, mais le désavantage des sous-bois, c’étaient les innombrables brindilles qui jonchaient le sol, et qui craquaient sous le pied. Immédiatement, l’autre se leva d’un bond, une lance à pointe de métal à la main, et la pointa dans sa direction. Elle leva les mains, pour bien lui montrer qu’elle ne lui voulait pas de mal, et s’avança vers lui. Il l’arrêta presque aussitôt, ajoutant à la lance pointée sur elle un ordre des plus stricts :
- Si tu fais encore un pas, je t’embroche.
Ce qui lui apprit deux choses. Une, d’après le peu qu’elle voyait sous son casque, il ne plaisantait pas. Deux, s’il venait de Lehn, elle était prête à manger son épée, et la cotte de mailles avec. Lehn n’était pas tellement au sud de Satoléa, or ce lancier avait un accent qui n’était pas du tout de la région, beaucoup plus rond et chantant que ce à quoi on pouvait s’attendre. Pervenche savait qu’elle n’était pas tellement futée, mais il y avait quelque chose qui clochait. Mais avant qu’elle ait pu poser la question, une silhouette noire plongea du haut d’un arbre, droit sur le lancier, et le percuta de plein fouet, lui faisant lâcher son arme. Les deux roulèrent dans l’herbe, tentant de prendre le dessus sans y parvenir, avec, d’après Pervenche, un faux air de chats se battant dans une ruelle. Elle serait bien intervenue, histoire d’aider l’assassin, mais vue la situation, elle risquait davantage de le blesser que de l’aider, même si ça devenait nécessaire. Il était peut-être plus fort et plus expérimenté que l’autre, plus rapide et doué aussi, mais le lancier était plus grand, plus lourd grâce à sa cotte, et il se battait avec l’énergie du désespoir. Pervenche ne pouvait pas faire grand-chose. Quoique… Ils ne faisaient pas attention à elle, trop occupés qu’ils étaient à essayer de s’arracher les yeux ou quelque chose du genre. Elle se concentra, appelant son énergie magique. Bien, il lui en restait encore malgré les efforts de la journée. Maintenant, la transformer. Ca demandait beaucoup de concentration, et ce n’était pas facile avec les deux qui étaient presque en train de s’entre-tuer. Il fallait qu’elle fasse vite, avant que Meven ne soit blessé. De tous petits éclairs se mirent à danser au bout de ses doigts, formant des arcs. Leur intensité augmenta rapidement, et ils ne tardèrent pas à former une balle. Elle se racla alors la gorge et annonça d’une voix forte :
- Je suggère qu’on arrête les gamineries et qu’on discute un peu, il y a des choses à éclaircir. Sinon, je vous grille moi-même.
Ils s’immobilisèrent et la regardèrent. Elle fit de son mieux pour avoir l’air implacable et menaçant, mais il faut dire qu’ils avaient l’air plutôt ridicule, vautrés par terre comme ça. Meven avait des brindilles dans les cheveux et pointait une dague sur le lancier, qui était littéralement assis sur lui, et écartait son arme d’une main tandis que l’autre était autour du cou de l’assassin. Ils regardèrent tous les deux la boule d’un blanc aveuglant qui vibrait et avait l’air d’attendre la première occasion pour les frapper. Presque à regret, ils se séparèrent. Le lancier recula au bord du ruisseau, ramassa sa lance et reprit une posture méfiante, tendue. Il demanda :
- Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
- Nous sommes les gentils, et on veut ramener le méchant en ville, répondit Meven.
- Le… méchant ?
Il avait l’air particulièrement confus, mais on le serait à moins, surtout que l’assassin était très occupé à se curer les ongles avec son couteau et n’avait pas du tout l’air préoccupé par la situation. Il daigna expliquer :
- On nous a payés pour te ramener en ville. Histoire que tu payes pour tes crimes. La justice, tu vois ce que c’est ?
- Quel crime ?
- Tu penses que prendre l’air innocent pour qu’on te croie innocent, ça va marcher ?
- Je peux savoir de quoi on m’accuse ?
- Il paraît que tu as tué plein de gens, volé leur argent, semé la désolation et un certain nombre d’autres trucs du genre, intervint Pervenche.
S’il avait l’air confus avant, le lancier était maintenant en train de se demander ce que ces deux idiots pouvaient bien être en train de raconter. Il s’apprêtait à répondre, mais Meven lui coupa la parole, changeant complètement de sujet :
- Dis-moi… tu ne viens pas de Lehn, n’est-ce pas ?
- Bien sûr que non. Qui vous a dit ça ?
- Ceux qui nous ont payé. Mais ton accent nous dit que tu viens du Sud.
- Hmmmm.
Une réponse qui ne s’engageait pas trop. Pervenche commençait à bien s’amuser, à les regarder. Le lancier avait toujours l’air étonné et un brin suspicieux, mais il avait abandonné son attitude méfiante. Meven demanda, toujours l’image même de la décontraction :
- Et dis-nous… ce n’est pas trop difficile, d’être un soldat en fuite ?
LA question. Immédiatement, le lancier se remit en garde, visiblement prêt à les étriper tous les deux sur-le-champ s’ils faisaient mine de s’approcher un tant soit peu de lui. Le regard sous le bord du casque glissait de Meven à Pervenche, puis revenait à Meven, froid et tendu. Comme aucun des deux ne faisait mine de bouger, il finit par demander, sans bouger :
- Qu’est-ce qui te fait penser que je suis un déserteur ?
- Facile. En plus de porter une cotte de mailles dans un pays en paix, tu es poursuivi par des gens qui, apparemment, t’ont accusé de crimes imaginaires pour qu’on te capture, et sont disposés à payer des mercenaires pour t’avoir. Visiblement, ils sont prêts à tout pour ça. Ajoutons encore que tu as l’accent du Sud, que les gens de ton âge dans ton pays sont souvent soldats, et que tu te bats comme un vrai soldat. Oh, et accessoirement, les insignes de ton bataillon ont laissé des marques.
Pervenche n’aurait pas pu déchiffrer l’expression du lancier, même s’il n’avait pas porté de casque et si on l’avait payée pour. Une sorte d’étrange mélange de peur, de méfiance, la curiosité de savoir où Meven voulait en venir, et la confusion de tomber sur un hurluberlu pareil. Il les regarda, elle le regarda, Meven contempla ses ongles, pendant au moins cinq minutes. Un long silence tendu. Finalement, les épaules du lancier s’affaissèrent visiblement, et il demanda avec un soupir :
- Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? On extermine le méchant cavalier assassin et complètement fou ?
- Ca dépend, rétorqua Meven. Tu es un méchant cavalier assassin complètement fou ?
- Bien sûr que non. Mais vous avez été payés pour ça. Ca serait malhonnête de garder leur argent, pour ne pas leur ramener leur bête sauvage. Pourquoi, les mercenaires auraient-ils des remords, maintenant ?
- On n’est pas des mercenaires comme les autres, au cas où tu aurais pas remarqué, intervint Pervenche. Ces abrutis ont menti pour qu’on se lance à ta poursuite, et j’aime pas vraiment ce genre de manières. Meven, je sais pas, mais moi, j’ai plutôt envie d’aller leur casser la gueule pour leur apprendre à faire passer les gens pour des monstres juste pour obtenir ce qu’ils veulent.
L’assassin acquiesça distraitement. Il avait l’air plus occupé à fixer le lancier, à tel point que Pervenche se demandait s’il tentait de faire fondre son casque par la force de son esprit, ou quelque chose du genre. L’objet de son intérêt avait dû remarquer, parce qu’il avait l’air assez mal à l’aise. Finalement, Meven demanda :
- Alors ? On pose les armes et on discute ? Ou on t’attache et on ricane ?
- Je préférerais ne pas être attaché, si ça ne vous dérange pas, répondit l’autre, d’un ton grinçant. Question… de confort, vous voyez ?
- Alors pour commencer, tu pourrais peut-être nous montrer ton visage au lieu de te cacher sous ton casque ? Et nous dire ton nom ?
Le lancier hésita un instant, puis soupira. Il posa son arme, détacha son casque et l’enleva. Laissant Pervenche et Meven bouche bée. Le lancier était plus jeune que ce qu’ils pensaient, c’était le bout du monde s’il avait vingt ans. Et il était beau, très séduisant, avec un visage fin aux pommettes hautes, le teint bronzé par le soleil du Sud, où brillaient des yeux brun clair, presque or, en amande. Mais il y avait plus marquant. Il avait des cheveux noirs qui n’avaient pas dû voir une paire de ciseaux depuis un moment, et qui touchaient presque ses épaules. Mais du côté gauche, à partir de l’oreille, les mèches étaient d’un blanc immaculé, restes d’une blessure dont la cicatrice dépassait à peine. Avec la lumière du soleil de fin d’après-midi qui tombait dessus et les faisait briller comme de la neige, l’effet était impressionnant. Et, à en voir la tête de Meven, c’était même fascinant. Pervenche décida de prendre les rênes de la conversation, puisque l’assassin avait l’air hors course. Elle s’assit au pied d’un arbre, parce que tant qu’à faire, autant prendre ce genre de choses confortablement, et demanda au lancier :
- Bon, étape suivante : comment tu t’appelles ?
- Vous deux d’abord. Je ne vous fais pas vraiment confiance.
- Moi, c’est Pervenche, comme la fleur. Et lui, c’est Meven, même s’il ne veut pas qu’on le sache parce que c’est un assassin, et les assassins, ils sont un peu bizarres.
- Parce que tu n’es pas un assassin, toi ?
- Nan, je suis mercenaire. Je tue que les crétins et les méchants !
Le lancier eut un regard signifiant plus ou moins « bon sang, mais sur qui suis-je tombé ? » que Pervenche ignora avec application. Elle continua comme s’il n’était pas en train de s’interroger sur sa santé mentale :
- Bon, à toi, maintenant, comment tu t’appelles ?
- Hélios.
- Joli nom. Et si tu nous expliquais pourquoi ces deux idiots sont après toi et te font passer pour un monstre assoiffé de sang auprès des innocents mercenaires ?
Hélios posa son arme, s’assit lui aussi, et entreprit de raconter son histoire. Ce n’était pas une histoire très originale, ils devaient être nombreux à avoir la même. Il était né dans un pays en guerre, et comme beaucoup d’autres gens de son âge, il n’avait jamais rien connu d’autre. Il était devenu soldat, parce que c’était un des seuls métiers qu’il pouvait trouver. Il avait montré un certain talent pour le combat à la lance, et il était devenu cavalier. Il y avait eu des combats, des escarmouches, et il s’en était toujours sorti plus ou moins bien. Mais il devait bien l’avouer, ce n’était pas que grâce à sa férocité et ses capacités. La capitaine de son unité l’aimait bien, et elle l’avait pris sous son aile, lui donnant des conseils qui lui avaient plus d’une fois sauvé la peau. Grâce à Vera Lynn, il avait fait des progrès incomparables, était devenu un bon cavalier, avait même gagné un ou deux petits grades, et plus important que ça, était resté en vie pendant plusieurs années. Il n’avait jamais aimé la guerre, contrairement à certains de ses camarades et un certain nombre de ses supérieurs, il s’était contenté de faire de son mieux pour survivre. Et puis, Vera Lynn était morte, dans une embuscade surprise à laquelle ils n’avaient été que six à survivre. Le peu de fidélité qu’il éprouvait envers son pays et son armée s’étaient envolés. Il avait préparé son évasion avec soin, et il était parti en pleine nuit. Quitter le pays n’avait pas été difficile, malgré les gardes postés à la frontière. Mais il n’était pas le seul à avoir cette idée, et afin d’éviter la désertion et la fuite vers d’autres pays de tous leurs soldats, et afin de faire un exemple, certaines factions du Sud avaient décidé d’envoyer des hommes, assassins, mercenaires, qui voulaient éviter d’être enrôlés de force dans l’armée, à la recherche des déserteurs. Ce qui, visiblement, expliquait la disparition de tous les soldats du Sud qui fuyaient le pays. Et donc, voilà pourquoi il se retrouvait maintenant accusé de tous les maux, pour que deux mercenaires le ramènent pieds et poings liés, et qu’ils le transforment en chair à saucisse, pour l’exemple.
Pervenche et Meven le laissèrent un instant seul pour discuter entre eux. Il n’avait pas l’air de vouloir se sauver dès qu’ils auraient le dos tourné, et à vrai dire, il paraissait plutôt abattu. L’assassin demain :
- Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ? On le ramène, ou pas ?
- On a promis qu’on le ramenait pas ! répliqua-t-elle en le frappant de manière moyennement amicale au bras. J’aime pas ces cons, ils l’ont fait passer pour un tueur juste pour obtenir ce qu’ils voulaient. J’aime pas les manipulateurs.
- Tu oublies une ou deux petites choses. D’une, rien ne nous dit qu’il n’a strictement rien fait. Il ne suffit pas à un gamin d’avoir des yeux magnifiques et d’être beau comme un dieu pour être innocent.
- Des yeux magnifiques, et beau comme un dieu, vraiment ? Tu aurais pas un coup de cœur pour lui, par hasard ?
- Je ne fais que dire les choses comme elles sont. On lui donnerait le pardon sans confession, juste parce qu’il a un joli visage. Personnellement, je me méfie un peu. On ne sait pas ce qu’il a fait. Même si ça m’étonnerait qu’il ait arraché la gorge de quelqu’un avec les dents. Ca, c’est un peu fort.
- Ouais, ouais. Ne pense pas tromper mon intuition féminine, tu lui as déjà accordé toute ta confiance parce qu’il te plaît.
- Je ne répondrai rien, dit-il en se drapant dans sa dignité et dans sa cape d’un geste théâtral.
- Et le point suivant ? demanda-t-elle pour recentrer la conversation.
- Même si on ne le ramène pas, qu’est-ce qu’on va faire de lui ? Le laisser filer ? Retourner en ville comme si de rien n’était ? Et si on recroise ceux qui nous ont envoyé sur ses traces, qu’est-ce qu’on fait ? Et s’ils en envoient d’autres après lui ?
La réaction obtenue ne fut pas celle qu’il attendait, c’est-à-dire une intense réflexion sur les problèmes soulevés. Pervenche bondit sur ses pieds, battant des mains comme une gamine, et s’exclama :
- Facile ! On l’adopte !
- Comment ça, « on l’adopte » ? demandèrent Meven et Hélios en même temps. L’assassin était en train de se demander ce qu’elle avait bien pu boire sans qu’il s’en rende compte, le cavalier donnait l’impression que la foudre venait de lui tomber dessus. Elle élabora :
- C’est facile. On peut pas rendre l’argent. On peut pas retourner voir ces idiots, il y en aura probablement d’autres qui viendront. On peut pas le tuer, on a décidé qu’il a rien fait.
- On n’a rien « décidé » du tout, interrompit Meven. Tu as décidé, parce que c’est la vague impression qu’il te donne.
- Je n’ai tué personne ! hurla le cavalier, les faisant sursauter. Il croisa les bras, l’air furieux. Pervenche continua, imperturbable :
- On a donc compris qu’il a rien fait. Donc on peut pas le tuer. Et si on le laisse ici, ils finiront par lui lancer quelqu’un d’autre sur le dos. Donc… On a plus qu’à l’emmener avec nous !
Elle avait l’air fière de sa déduction, mais les choses n’étaient visiblement pas aussi claires pour Meven.
- Tu voudrais bien préciser encore un petit peu pour ceux qui n’auraient pas compris où tu veux en venir ? demanda-t-il.
- C’est bien simple. Les idiots sont en ville, et Hélios peut pas y retourner. Nous, on peut pas y rester. Mais on peut le laisser ici, retourner chercher nos affaires, notre argent, et revenir le récupérer ensuite. On suit la rivière jusqu’à Janéa, la ville lacustre, on se trouve une auberge, et on recommence à faire les mercenaires.
- Et s’ils envoient d’autres mercenaires que nous sur mes traces ? protesta Hélios.
- On a un assassin, avec nous, un des meilleurs ! T’en fais donc pas, personne ne nous retrouveras, et tu seras en sécurité !
Le lancier n’était pas particulièrement convaincu, mais avait-il le choix ? Ce n’était pas comme s’il pouvait éliminer un assassin et une gamine avec une épée en même temps, et, à moins qu’il s’agisse d’un plan particulièrement élaboré pour le tuer par surprise, ils avaient vraiment l’air décidé à l’aider. Il finit par accepter la proposition, un peu à contrecœur, un peu méfiant, aussi. Il promit de les attendre, tandis que les deux retourneraient en ville rechercher ce qui leur appartenait. Ensuite, ils se retrouveraient et partiraient vers leur prochaine étape, ensemble.